Des explosions de bipeurs au Liban font au moins 9 morts et 2 800 blessés, membres du mouvement islamiste Hezbollah, au Liban – Voici ce que l’on sait

Le mouvement islamiste libanais Hezbollah a déclaré, ce mardi 17 septembre, qu’Israël portait « l’entière responsabilité » de l’explosion simultanée des bipeurs de ses membres au Liban, qui a causé la mort de 9 personnes et blessé près de 2 800 autres. Pour l’instant aucune enquête indépendante ne confirme cette accusation.

L’attaque contre des membres du Hezbollah au Liban est particulièrement frappante, avec un bilan d’au moins 9 morts et 2 800 blessés. Le mode opératoire est tout aussi notable : les bipeurs utilisés par la milice islamiste ont explosé dans les poches ou les mains des victimes, comme en témoignent plusieurs vidéos largement partagées sur les réseaux sociaux. Comment ces petits appareils, désormais obsolètes avec l’avènement des téléphones portables, ont-ils pu être transformés en bombes de poche ?

L’explosion simultanée de plusieurs centaines de bipeurs a causé plusieurs morts et des milliers de blessés ce mardi 17 septembre. Ces appareils de communication rudimentaires, très populaires dans les années 1990 avant la généralisation des téléphones portables, permettent de recevoir des messages d’alerte ou des textes, et parfois d’en envoyer. Ils fonctionnent avec des piles ou des batteries et sont connus pour leur grande autonomie. Leur faible puissance électrique rend peu probable qu’ils aient pu provoquer de telles explosions sans modification.

Selon l’agence de presse britannique « Reuters », le Hezbollah a récemment utilisé des technologies de communication rudimentaires comme les bipeurs pour éviter la surveillance numérique avancée d’Israël. Fin 2023, le Hezbollah avait demandé aux habitants du Sud du Liban de déconnecter leurs caméras de surveillance pour éviter le piratage par les services israéliens et avait ordonné à ses combattants de ne pas utiliser leurs téléphones portables lors des combats.

Certains modèles de bipeurs professionnels sont équipés de fonctions de chiffrement des messages. En 1996, Yéhia Ayache, considéré comme le principal artificier du Hamas, a été tué par l’explosion d’un téléphone portable contenant 15 grammes de RDX, un puissant explosif.

La rumeur la plus farfelue parmi les premiers commentaires évoque un scénario de science-fiction : la batterie en lithium des bipeurs, piratée, aurait surchauffé et explosé. Une source du Hezbollah, citée par le « Wall Street Journal », suggère que des logiciels malveillants pourraient avoir été installés sur les appareils. Toutefois, cette théorie pourrait ne rester qu’une fiction.

Actuellement, les experts en sécurité privilégient une autre méthode, à la fois plus classique mais tout de même stupéfiante en raison de sa complexité à une telle échelle. Selon cette hypothèse, plusieurs milliers de bipeurs auraient été piégés en y intégrant des charges explosives. Cette théorie est corroborée par trois sources libanaises qui ont déclaré à Reuters que les bipeurs en question étaient un modèle moderne récemment acquis par le Hezbollah. Piéger un téléphone avec un explosif est une chose, mais piéger plusieurs milliers d’appareils en est une autre ! Une telle opération nécessiterait de contrôler toute une chaîne d’approvisionnement en restant complètement discret. Dmitri Alperovitch, ancien dirigeant d’une entreprise de sécurité informatique, a qualifié cette opération sur « X » de « l’une des attaques de chaîne d’approvisionnement physique les plus importantes de l’Histoire ».

Selon un ancien expert en munitions de l’armée britannique cité par la BBC et parlant sous couvert d’anonymat, il est possible que 10 à 20 grammes d’explosif de qualité militaire aient été dissimulés dans un faux composant électronique placé dans chaque bipeur. L’engin explosif aurait été activé par un signal sous la forme d’un « message textuel alphanumérique » (terme englobant les caractères de l’alphabet latin et les chiffres arabes). Une fois armé, l’explosif aurait été déclenché automatiquement lorsque l’appareil était utilisé. Cette hypothèse semble corroborée par plusieurs vidéos montrant que, quelques secondes avant les explosions, apparemment survenues simultanément à 15h30, les membres du Hezbollah ont pris leurs bipeurs de leur poche, comme s’ils avaient reçu un message.

«D’après les enregistrements vidéo (…), un petit explosif de type plastic a certainement été dissimulé à côté de la batterie (des bipeurs) pour un déclenchement à distance via l’envoi d’un message», estime sur le réseau social « X » Charles Lister, expert au « Middle East Institute » (MEI). Ce qui signifie pour lui que le Mossad (service secret extérieur israélien, en charge des opérations spéciales, ndlr) a sans doute «infiltré le processus de production et ajouté dans les bipeurs un composant explosif et un détonateur activable à distance, sans éveiller les soupçons», renchérit l’analyste militaire Elijah Magnier, basé à Bruxelles, décrivant «une faille de sécurité majeure dans les protocoles du Hezbollah».

«Soit en se faisant passer pour un fournisseur, soit en injectant les équipements trafiqués directement dans la chaîne logistique du Hezbollah via ses points de vulnérabilité (camions de transport, navires marchands), ils ont réussi à répandre les bipeurs au sein de l’organisation», estime quant à lui Mike DiMino, expert en sécurité et ancien analyste de la CIA.

« Sky News Arabia » cite pour sa part des sources affirmant que l’agence israélienne aurait placé «une quantité de PETN, un matériau hautement explosif, sur les batteries des appareils, les faisant exploser en augmentant la température des batteries à distance». Ce qui expliquerait que certains membres du Hezbollah s’en seraient débarrassés à temps, alertés par la surchauffe de leur bipeur, rapporte le « Wall Street Journal ».

Autre hypothèse, selon Riad Kahwaji, analyste sécurité basé à Dubaï, «Israël contrôle une grande partie des industries électroniques dans le monde et, sans aucun doute, l’une des usines qu’il possède a fabriqué et expédié ces engins explosifs qui ont explosé aujourd’hui».

Les bipeurs, une alternative rustique aux téléphones portables

Le Washington Post, citant des experts, évoque lui aussi l’hypothèse d’un «sabotage des appareils avant leurs livraisons». Au quotidien états-unien, Emily Harding, directrice adjointe du programme de sécurité internationale du Centre d’études stratégiques et internationales, a confié que, malgré les nombreuses zones d’ombre, il est probable qu’Israël soit parvenu à infiltrer la chaîne d’approvisionnement que le Hezbollah utilise pour ses téléavertisseurs. Bien qu’une cyberattaque soit possible, elle est peu probable étant donné la nature «extrêmement low-tech» des bipeurs, a-t-elle ajouté.

L’attaque « souligne à quel point Israël a infiltré le réseau de communication du Hezbollah », d’après la chercheur Lina Khatib, du groupe de réflexion britannique « Chatham House », citée par la même BBC. « De nombreux membres du Hezbollah ont commencé à utiliser des bipeurs après que les téléphones portables appartenant à certains de leurs membres ont été compromis par un piratage israélien», précise-t-elle. Déjà en 1996, le Shin Bet, l’une des agences de renseignement israélienne, a assassiné un fabricant de bombes du Hamas avec un explosif placé dans son téléphone.

Quelque soit la manière dont ces bipeurs ont pu exploser, il n’en reste pas moins que ce sont, pour l’instant, 9 morts et 2 800 blessés, apparemment tous membre de l’organisation terroriste islamique Hezbollah qui ont été atteints par cette opération, donc pas des innoncents.

Didier Maréchal

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