Maintenant qu’Hassan Nasrallah, le dirigeant historique et charismatique du mouvement terroriste islamiste chiite pro-iranien Hezbollah, la question de son successeur se pose. (Avec : AFP)
L’armée israélienne a déclaré, ce samedi 28 septembre, que Hassan Nasrallah avait été tué la veille lors d’une frappe de Tsahal dans la banlieue Sud de Beyrouth. Alors que les inquiétudes sur l’impact de sa mort sur la stabilité régionale augmentent, un successeur pressenti commence déjà à se distinguer pour prendre la tête du mouvement islamiste, étroitement allié à Téhéran.
Le Hezbollah a perdu son dirigeant emblématique, Hassan Nasrallah, tué lors d’une frappe israélienne près de Beyrouth. La situation reste tendue, les frappes israéliennes sur le Liban se poursuivant. La mort de celui qui était considéré comme l’homme le plus influent du Liban crée une situation complexe aux répercussions sur l’ensemble du Moyen-Orient. En attendant une nomination officielle, Naïm Qassem, actuel numéro deux du mouvement islamiste pro-iranien, assure la transition à la tête de l’organisation, mais il n’est pas, pour autant, sûr que le choix du nouveau dirigeant du mouvement terroriste chiite se porte sur lui.
Bien que l’élimination de Hassan Nasrallah représente une victoire marquante pour Israël face à l’Iran et à ses alliés, elle reste néanmoins loin d’être décisive. «Le Hezbollah est solide, beaucoup plus qu’on ne le croit, avance Fabrice Balanche, maître de conférences en géographie à l’Université Lyon-2 et spécialiste du Proche-Orient. Il a des infrastructures au Liban, mais aussi en Syrie avec des bases de repli. Le Hezbollah est un système tentaculaire et c’est trop dur pour Israël de l’éradiquer, car ils ont une trop grosse emprise idéologique sur la société chiite libanaise.»
Le mouvement islamiste pro-iranien va commencer à chercher un nouveau leader, Hassan Nasrallah, âgé de 64 ans, ayant dirigé le Hezbollah depuis 1992. Toutefois, la succession ne sera pas considérée comme une priorité absolue.
«Le nouveau chef deviendra le numéro un sur la ’’hit list’’ d’Israël, explique Didier Leroy*, chercheur à l’école royale militaire de Belgique. Ce n’est pas forcément une position si enviable à l’heure actuelle. La priorité est de circonscrire la brèche sécuritaire et de trouver les traîtres, car la paranoïa est à son comble.»
Le risque d’une lutte interne pour obtenir le fauteuil de dirigeant est également peu probable. «Ils doivent se serrer les coudes, reprend Didier Leroy. Du point de vue occidental, on cherche des lignes de fracture mais c’est un milieu très cohésif.» Le Conseil de la Choura, plus haute instance du parti, devrait élire prochainement le successeur de Hassan Nasrallah, mais difficile de trouver un homme aussi charismatique, alors qu’il faisait l’objet d’un véritable culte de la personnalité parmi la communauté chiite au Liban malgré sa vie dans la clandestinité et ses rares apparitions publiques.
«Les noms qui circulent sont beaucoup moins charismatiques que lui, estime Didier Leroy. Ils auront du mal à remplir les chaussures de Nasrallah.» Quatre noms se dégagent ce dimanche : Hachem Safieddine, Naïm Qassem, Mustafa Mughniyeh et Ibrahim al-Amin al-Sayyed.
Hashem Safieddine est le candidat le plus probable pour succéder à son cousin décédé, Hassan Nasrallah. En tant que chef du conseil exécutif du Hezbollah, responsable des activités sociales, politiques et économiques du mouvement, il exerce une influence significative. Après avoir étudié la religion à Téhéran, où il a établi des liens étroits avec les dirigeants iraniens, Hashem Safieddine est aujourd’hui l’un des membres les plus influents du Conseil de la Choura. De plus, son fils est marié à Zeinab, la fille du puissant général iranien Qassem Soleimani, tué en 2020 lors d’une frappe états-unienne en Irak. Il porte le turban noir des Sayyed, descendants du prophète Mahomet, tout comme son cousin, qui a été son exemple.
«Nasrallah l’a fait grimper petit à petit, détaille Didier Leroy. Safieddine tentait d’avoir la même apparence, jusqu’à imiter la petite mèche de cheveux de Nasrallah. Il aura également le même type de discours que lui s’il venait à remporter cette élection. Il sera aussi totalement aligné sur l’Iran.» Son manque de charisme, en revanche, pourrait être difficile à combler pour s’imposer comme un dirigeant marquant. «Il n’avait pas tiers du quart de l’aura de Nasrallah, assure Didier Leroy.
Contrairement à Hassan Nasrallah, apparu très rarement en public depuis la dernière guerre entre Israël et le Hezbollah, en 2006, Hashem Safieddine est le visage du parti dans de nombreux évènements politiques et religieux, et s’est récemment fait remarquer pour ses allocutions enflammées lors des funérailles de commandants du parti tués par Israël.
Naim Qassem, le second historique
Naïm Qassem est l’actuel secrétaire général adjoint du Hezbollah et, depuis des décennies, le bras droit de Nasrallah. Réputé pour sa cohérence idéologique et ses liens étroits avec l’Iran, il assume actuellement les fonctions de secrétaire général par intérim. « C’est une autre figure très connue qui est dans le viseur de l’armée israélienne et qui pourrait être assassiné », explique Didier Leroy. Il possède un parcours religieux, mais a également suivi une formation en chimie. Considéré comme l’historien du mouvement, il a écrit un livre de l’intérieur. Bien qu’il ne soit pas particulièrement enclin à prendre la parole en public, il a donné de nombreuses interviews dans le passé et a acquis une solide réputation. Il porte un turban blanc et bénéficie toutefois de moins de crédibilité par rapport à Hashem Safieddine.
Mustafa Mughniyeh, fils d’un héros
Mustafa Mughniyeh est le fils du commandant militaire du Hezbollah, Imad Mughniyeh, décédé en 2008. Homme discret, il est un homme clé du mouvement avec ses responsabilités dans les opérations militaires. «C’est une des figures héroïsées, affirme Didier Leroy. Choisir un membre de cette famille dans cette période serait un signal fort à la population.»
Il est toutefois peu probable de le voir en tant que successeur : parmi les conditions à remplir pour prendre la tête du mouvement, il est requis d’être une personnalité religieuse et d’être issu du Conseil de la Choura, qui comprend sept personnes. Mais la situation actuelle est inédite. «Il faut un membre du clergé, comme cela a toujours été le cas, confirme Didier Leroy. Ce serait un choix surprenant et il y a peu de chance, mais avec une telle situation, rien n’est impossible.»
Ibrahim al-Amin al-Sayyed, figure illustre
Ibrahim al-Amin al-Sayyed est considéré comme l’une des figures emblématiques du Hezbollah. Chef du Conseil politique, il a une longue histoire au sein de l’organisation, ayant participé à la rédaction de ses documents fondateurs du mouvement. Il avait signé la «Lettre ouverte aux opprimés dans le monde» en 1985, date officielle de naissance du Hezbollah. «C’est un des dinosaures du mouvement, détaille Didier Leroy. Il est loin d’avoir le charisme de Nasrallah et était dans son ombre.» Son rôle pourrait plutôt être politique ou consultatif dans un premier temps.
Didier Maréchal