Selon un sondage réalisé à la sortie des urnes, le président sortant Kaïs Saïed a remporté la parodie d’’élection présidentielle organisée ce dimanche 6 octobre en Tunisie. Un résultat prévisible étant donné que l’opposition et la société civile considéraient le scrutin comme biaisé, son principal rival étant en détention et condamné à 26 mois de prison en moins de deux semaines, en deux procès. (Source : Reuters).
Élu pour la première fois en 2019, Kaïs Saïed s’est attribué la quasi-totalité des pouvoirs deux ans plus tard après avoir dissous le Parlement. Il gouverne depuis par décret. Plusieurs vagues de répression ont été menées contre les opposants politiques et les critiques du chef de l’État, entraînant l’emprisonnement ou l’inéligibilité de la plupart de ses rivaux.
Il se « mesurait » ce dimanche à deux autres candidats : son ancien allié, Zouhaïr Maghzaoui, secrétaire général du « Mouvement du peuple », et Ayachi Zammel, dirigeant du parti d’opposition « Azimoun », qui était perçu comme le principal rival de Kaïs Saïed avant son incarcération le mois dernier.
D’après la télévision publique, qui cite un sondage réalisé à la sortie des urnes par l’institut Sigma, le président sortant a été réélu avec 89,2% des suffrages. Aucun second tour ne sera donc nécessaire, Kaïs Saïed étant crédité de plus de 50% des voix.
La commission électorale devrait communiquer, ce lundi 7 octobre au soir, les résultats officiels. Elle a fait savoir, après la fermeture des bureaux de vote, que le taux de participation était de 27,7%. Il s’élevait à 55% il y a cinq ans.
Une élection verrouillée
La réélection de Kaïs Saïed s’avérant compliquée – certains sondages sous le manteau le créditent de 20 % – , « tout a été fait pour verrouiller le scrutin », analyse Michael Ayari, principal analyste pour « l’International Crisis Group ». Candidats empêchés, emprisonnés, médias cadenassés, journalistes sous les barreaux, le climat est toxique. Le bilan économique joue contre Saïed, de nombreux Tunisiens n’ont rien vu venir de la «redistribution des richesses des corrompus ». Quand au champ de ruines démocratique, il indiffère une large partie de la population. Cependant, la dictature Ben Ali avait sauté sur le cocktail crise économique, injustices d’État, absence de libertés.
Plusieurs candidats disqualifiés
Plusieurs candidats au scrutin avaient été disqualifiés par la commission électorale, provoquant des soubresauts politiques. Des politiciens opposés à Kaïs Saïed ont également été incarcérés ces derniers mois. Leurs partis n’avaient publiquement soutenu aucun des trois candidats officiels.
Ayachi Zammel, lui, a été condamné fin septembre à six mois de prison pour falsification de documents, des accusations qu’il nie. Il avait déjà été condamné une semaine plus tôt à une peine de 20 mois de prison.
Finances publiques toujours sous tension
Kaïs Saïed bénéficie néanmoins toujours d’un certain soutien des Tunisiens. « C’est le premier président qui a combattu les politiciens corrompus et les hommes d’affaires influents. Nous allons donc l’élire et lui renouveler notre soutien », a déclaré un vendeur de fruits à l’agence de presse britannique « Reuters ».
Malgré la hausse des revenus du tourisme et l’aide financière des pays européens inquiets de l’immigration, les finances publiques tunisiennes sont toujours sous tension. Les pénuries périodiques et les coupures d’électricité et d’eau se poursuivent.
Joseph Kouamé & Christian Estevez