Les résultats des élections législatives anticipées du 17 novembre 2024 ont été officiellement publiés ce mardi 19 novembre. Ils consacrent une victoire éclatante du Pastef (Parti de la stabilité et de l’émergence du Sénégal). En dépit d’une opposition divisée, l’ancien président Macky Sall, à la tête de la coalition Takku Wallu, n’est pas parvenu à capitaliser sur ses années de pouvoir. Ces élections marquent ainsi un tournant dans la politique sénégalaise, avec des implications importantes pour l’avenir du pays.
Une victoire écrasante pour Pastef
Avec plus de 120 sièges sur les 165 de l’Assemblée Nationale, le Pastef du président sénégalais, Bassirou Diomaye Faye, a largement remporté ces législatives anticipées. Ce score lui permet d’obtenir une majorité absolue, bien au-delà des 83 sièges nécessaires pour gouverner. Mais l’ampleur de la victoire du Pastef ne se limite pas à l’Assemblée Nationale: le parti domine également la majorité des départements, remportant 40 des 46 circonscriptions du pays et s’imposant dans 7 des 8 circonscriptions de la diaspora.
Les départements traditionnellement favorables à l’opposition, notamment dans la région de Dakar, Thiès, Diourbel et Mbacké, ont confirmé leur soutien au Pastef, avec des scores qui surpassent ceux de la présidentielle de mars 2024. Même dans des zones considérées comme des bastions de l’ancien régime de Macky Sall, telles que Foundiougne et Fatick, le Pastef a su renverser la tendance, devenant l’incontournable force politique du pays.
L’opposition déstabilisée, Macky Sall désavoué
Macky Sall ressort comme le grand perdant de ces élections législatives. Après avoir quitté la présidence en mars dernier, l’ancien chef de l’État avait tenté un retour en force à la tête de la coalition Takku Wallu, composée principalement de partis d’opposition. Mais cette reconquête du pouvoir se révèle un échec retentissant. Bien qu’arrivant en deuxième position derrière le Pastef, Takku Wallu reste largement distancée. Macky Sall, qui a mené sa campagne depuis le Maroc, a non seulement échoué dans son but de rallier de nouveaux électeurs, mais a aussi vu des figures importantes de son propre camp, comme Amath Diouf, le quitter pour rejoindre le Pastef.
Le bilan de son retour à la tête de la coalition de l’opposition est irréfutable D’après les analystes politiques, la défaite de Sall révèle une rupture avec une partie de l’électorat sénégalais, qui semble avoir tourné définitivement la page de ses années au pouvoir. La campagne, menée à distance et sans véritable présence sur le terrain, a accentué cette rupture. Pire encore, bien que Macky Sall soit assuré d’être élu député, il ne siégera pas, son suppléant prenant lui succédant. Une situation qui symbolise l’échec de sa tentative de reconquête politique.
Le Sénégal face à des défis économiques et sociaux
Avec cette victoire du Pastef, Bassirou Diomaye Faye se trouve désormais dans une position favorable pour mettre en œuvre son programme de réformes économiques et sociales. Le jeune président de 44 ans, qui a promis de lutter contre la corruption et d’initier un changement radical, devra cependant faire face à des défis de taille. Le chômage reste un fléau majeur au Sénégal, avec population jeune qui peine à trouver des opportunités dans un marché du travail saturé. En outre, l’inflation et la gestion des finances publiques sont des sujets cruciaux, avec un déficit budgétaire qui a largement été sous-estimé sous le gouvernement précédent.
Malgré ces défis, le président Faye bénéficie d’un mandat clair, renforcé par la large victoire de son parti. Dans le cadre de son programme « Sénégal 2050 », le gouvernement a mis l’accent sur la compétitivité, la gestion durable des ressources et une meilleure gouvernance. Les premières mesures, telles que la formation de 700 000 jeunes dans les cinq prochaines années pour stimuler la création d’emplois, devraient être suivies de près par la population. Toutefois, la mise en œuvre de ces réformes pourrait se heurter à la résistance d’un parlement désormais dominé par le Pastef, et à la nécessité d’un consensus avec les acteurs économiques et sociaux du pays.
Une politique étrangère en pleine mutation
La victoire du Pastef a également des implications importantes pour la politique étrangère du Sénégal. Le président Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko, qui ont tous deux fait campagne sur des positions souverainistes, entendent réévaluer les relations du pays avec la France, ancienne puissance coloniale. Ce virage diplomatique pourrait bien marquer la fin de la « Françafrique », cette relation néocoloniale qui a longtemps caractérisé les liens entre le Sénégal et l’ancienne métropole. Cependant, après avoir rencontré à plusieurs reprises le président français Emmanuel Macron, Bassirou Diomaye Faye a montré une certaine ouverture, ce qui laisse entrevoir un équilibre délicat à maintenir entre souveraineté nationale et coopération internationale.
Par ailleurs, le Sénégal devra jouer un rôle crucial en tant que médiateur au sein de la CEDEAO, notamment dans les crises qui secouent le Burkina Faso, le Niger et le Mali. Le positionnement du pays dans ce contexte régional complexe pourrait être déterminant pour l’avenir de la stabilité en Afrique de l’Ouest.
Conclusion : une ère politique nouvelle
La victoire du Pastef aux législatives de novembre 2024 marque définitivement un tournant pour le Sénégal. Malgré les contestations et la division de l’opposition, le président Bassirou Diomaye Faye a réussi à obtenir le soutien d’une vaste majorité de la population, en particulier parmi les jeunes. Toutefois, le chemin ne sera pas dépourvu d’embûches, notamment sur le plan économique et social, où les attentes sont extrêmement élevées. Si le nouveau gouvernement réussit à relever ces défis, il pourrait transformer durablement le paysage politique et socio-économique du Sénégal.
Clara Höser