Les événements qui secouent la République Démocratique du Congo (RDC) prennent une tournure de plus en plus inquiétante. Alors que la ville de Goma est désormais sous le contrôle du groupe rebelle M23, soutenu par le Rwanda, et que des scènes de pillages et de violences défigurent la capitale Kinshasa, la communauté internationale se fait de plus en plus pressante, appelant à la désescalade.
Goma, en proie aux flammes et aux pillages
Le 29 janvier, Goma, ville stratégique de l’est de la RDC, a été livrée à un “déluge de feu”. Après plusieurs jours d’intenses combats, les rebelles du M23, soutenus par des forces rwandaises, ont pris le contrôle de la ville. Des scènes de chaos se sont succédé avec des habitants fuyant les combats, d’autres pris au piège par des tirs incessants et des pillages orchestrés par des miliciens en fuite. Les civils sont confrontés à une double menace : la violence des combattants et les exactions des militaires et pillards. Des quartiers entiers ont été dévastés, avec de nombreux cadavres laissés sur place. Dans l’avenue Himbi, jadis animée, des combattants du M23 circulent en toute impunité, exhibant des armes récupérées à l’armée congolaise.
Les violences ont plongé la ville dans l’obscurité, avec l’interruption des services d’eau et d’électricité. En outre, les conditions de vie se sont gravement détériorées, aggravées par des pillages d’entrepôts humanitaires qui ont mis en péril la distribution de vivres et de médicaments.
Manifestations à Kinshasa : plusieurs ambassades attaquées
A Kinshasa, le climat est tout aussi tendu. Une manifestation organisée par un collectif de jeunesse pour dénoncer l’inaction de la communauté internationale face à la situation à Goma a dégénéré en scènes de violence. Les manifestants ont attaqué plusieurs ambassades, dont celles du Rwanda, de l’Ouganda, du Kenya, de la France, de la Belgique et des États-Unis. Des commerces ont été pillés, des pneus brûlés dans les rues et des messages hostiles adressés aux diplomates étrangers, en particulier au Rwanda, accusé de soutenir activement le M23.
Le gouvernement congolais a exprimé ses regrets face aux actes de vandalisme, appelant à une manifestation pacifique. Le ministre des Affaires étrangères a aussi exhorté à la prudence, tandis que des puissances internationales, dont la France et le Kenya, ont condamné ces attaques comme une violation grave des conventions internationales.
Le rôle du Rwanda et la position du Royaume-Uni
Le M23, principalement composé de rebelles tutsis, est soutenu par le Rwanda. Ce soutien est au cœur de la crise. La RDC accuse Kigali d’utiliser le M23 pour piller les ressources naturelles de la région du Nord-Kivu, notamment le coltan, l’or et l’étain, des allégations confirmées par des experts des Nations unies. Cependant, le Rwanda rejette ces accusations, arguant que Kinshasa soutient des groupes armés hutus, tels que les FDLR, que Kigali considère comme une menace.
Dans ce contexte de tensions croissantes, le Royaume-Uni, traditionnellement un allié du Rwanda, a pris une position plus ferme. Le 28 janvier, Londres a condamné les violences et exprimé de vives inquiétudes concernant l’avancée rapide du M23. Le ministre britannique des Affaires étrangères, David Lammy, a même pris contact directement avec le président rwandais Paul Kagame pour appeler à une désescalade.
Ce revirement diplomatique du Royaume-Uni s’inscrit dans un changement plus large de sa politique étrangère. Après des années de soutien au Rwanda, notamment à travers un partenariat migratoire qui n’a jamais été concrétisé, le Royaume-Uni semble désormais chercher à jouer un rôle plus actif dans la médiation de ce conflit. Londres espère également regagner de l’influence sur le continent africain, où la présence chinoise est de plus en plus forte.
L’avenir incertain de la RDC et de Goma
La situation en RDC semble de plus en plus ingérable pour le gouvernement de Kinshasa, qui perd du terrain face aux rebelles. Le M23, avec le soutien du Rwanda, prend progressivement le contrôle de vastes portions du territoire, y compris des zones riches en ressources naturelles. La communauté internationale, bien qu’inquiète, semble hésiter à intervenir de manière décisive. Les Nations unies, par le biais de son envoyée spéciale, ont exprimé leur inquiétude face à l’escalade des violences et aux violations des droits humains, notamment les violences sexuelles et les recrutements forcés d’enfants.
Alors que des milliers de civils fuient les combats, le sort de Goma reste incertain. Les habitants qui ont réussi à fuir la ville sont maintenant des déplacés, avec des conditions de vie de plus en plus précaires. Les autorités congolaises, quant à elles, appellent à la paix et à la négociation, mais la pression sur le gouvernement Tshisekedi monte chaque jour.
La RDC est à un carrefour, et la situation à Goma pourrait marquer un tournant décisif dans ce conflit de longue date. La communauté internationale se trouve désormais face à un dilemme : soutenir la RDC dans sa lutte contre les rebelles et le Rwanda ou intervenir directement pour rétablir la paix.
Joseph Kouamé