RDC : la frontière à Bugarama fermée avec l’Est de la RDC face à l’avancée du M23 après la prise de Bukavu par les rebelles, des milliers de Congolais se réfugient au Burundi, crainte d’une escalade régionale – Notre point du 17 Février

Notre point quotidien sur la situation concernant la guerre en République Démocratique du Congo contre le M23 et les forces rwandaises.

L’Union africaine met en garde contre une « balkanisation » de la RDC.

Alors que les rebelles du M23 ont pris le contrôle de Bukavu, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), ce 16 février, l’Union africaine (UA) a exprimé son inquiétude face aux risques de fragmentation du pays. Lors du sommet des chefs d’État de l’UA à Addis-Abeba, Bankole Adeoye, commissaire à la Paix et à la Sécurité de l’organisation, a appelé au « retrait immédiat du M23 et de ses partisans de toutes les villes occupées », sans pour autant mentionner directement le Rwanda, accusé par Kinshasa de soutenir le groupe armé.

« Nous ne voulons pas d’une balkanisation de la RDC », a-t-il insisté, appelant au respect de « la souveraineté, de l’unité politique et de l’intégrité territoriale » du pays.

Le M23, soutenu par des troupes rwandaises selon l’ONU, a amorcé son offensive fin janvier en prenant le contrôle de Goma, capitale du Nord-Kivu, avant de progresser dans le Sud-Kivu et de s’emparer de Bukavu. L’ONU et plusieurs gouvernements étrangers redoutent une escalade régionale qui pourrait embraser l’Afrique centrale.

Fermeture de la frontière à Bugarama et exode de populations

Face à l’avancée du M23, la frontière entre Bugarama (Rwanda) et Kamanyola (RDC) a été fermée, bloquant les traversées entre les deux pays. Depuis plusieurs jours, des tirs nourris ont été entendus dans la zone, alimentant la panique parmi les habitants et les voyageurs.

« Nous sommes coincés ici depuis samedi, nous ne savons pas ce qui se passe », témoigne Nicolas Muhemedi, un chauffeur routier bloqué à la frontière.

Si la situation s’est apaisée dans la journée de dimanche, la peur demeure parmi les populations locales, et l’exode se poursuit vers le Burundi. Selon les autorités burundaises, plus de 10 000 Congolais ont déjà traversé la rivière Ruzizi pour se réfugier dans la province burundaise de Cibitoke.

« Des milliers ont fui parce qu’ils ont paniqué en apprenant que la ville de Bukavu avait été prise », a déclaré Martin Niteretse, ministre burundais de l’Intérieur.

L’ONU alerte sur un risque de guerre régionale

Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a appelé à « éviter à tout prix une escalade régionale » alors que le conflit en RDC menace d’impliquer davantage de pays voisins. Le M23 contrôle désormais tout le pourtour du lac Kivu, un axe stratégique qui pourrait donner aux rebelles un avantage militaire décisif.

« La violation en cours de l’intégrité territoriale de la RDC ne restera pas sans réponse », a averti l’Union européenne, qui accuse le Rwanda de soutenir activement les rebelles du M23.

Environ 4 000 soldats rwandais seraient présents en RDC, selon les Nations unies, tandis que l’armée congolaise bénéficie du soutien de troupes sud-africaines et burundaises.

Appel au cessez-le-feu et tensions diplomatiques

Malgré les appels répétés à la désescalade, aucune trêve n’est en vue. Félix Tshisekedi, président de la RDC, a multiplié les mises en garde contre les ambitions expansionnistes du Rwanda, accusant Kigali de vouloir « annexer une partie du territoire congolais ».

Depuis plusieurs mois, Kinshasa réclame des sanctions internationales contre le Rwanda, mais la communauté internationale reste divisée. Lors du sommet de l’Union africaine, plusieurs dirigeants africains ont plaidé pour une solution diplomatique.

« La seule façon de résoudre ce conflit est de réunir toutes les parties autour d’une table », a déclaré Bankole Adeoye, commissaire à la Paix et à la Sécurité de l’UA.

Cependant, la méfiance règne : Félix Tshisekedi a refusé de participer à une réunion du Conseil Paix et Sécurité de l’UA vendredi, préférant se rendre à une conférence sur la sécurité en Allemagne, où il a dénoncé les « velléités expansionnistes » de Kigali.

L’Union Africaine critiquée pour son manque de leadership

Face à la gravité de la situation, l’UA est accusée de manquer de fermeté. Certains observateurs estiment que l’organisation ne joue qu’un rôle de spectateur dans la crise.« L’UA n’a aucun pouvoir dans ce conflit et assiste impuissante », affirme Thierry Vircoulon, analyste à l’Institut français des relations internationales (IFRI).

Le président angolais João Lourenço, impliqué dans la médiation entre Kinshasa et Kigali, a pris la présidence tournante de l’UA, mais les attentes restent faibles quant à une résolution rapide du conflit.

Alors que les combats se poursuivent, la population civile paie un lourd tribut. L’ONU estime que les violences ont déjà causé près de 3 000 morts en quelques jours et que la crise humanitaire s’aggrave à mesure que des milliers de Congolais fuient les combats.

Joseph Kouamé

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