Hong Kong présente une mise en scène à la fois insolite et ironique : Trump, les présidents jumeaux. Cet opéra burlesque cantonais, mis en scène par Edward Li, dépeint de manière satirique la tentative d’assassinat contre Donald Trump en juillet dernier, tout en mêlant épisodes historiques et parodie politique. Une manière audacieuse de moderniser un genre en perte de vitesse, alors que le théâtre Sunbeam, emblématique de l’opéra cantonais, s’apprête à fermer ses portes.
Perruque blond platine, cravate rouge et teint orangé, le chanteur hongkongais Loong Koon-tin s’est métamorphosé pour incarner Donald Trump dans Trump, les présidents jumeaux. Ce spectacle, créé en 2019 et plusieurs fois remanié, a fait son retour fin janvier au théâtre Sunbeam de Hong Kong. Il met en scène, sur un ton burlesque, l’attentat manqué contre le président états-unien en juillet dernier. Lorsque le coup de feu retentit, l’acteur sursaute et se tient l’oreille ensanglantée avant de s’exclamer : « C’est une balle ! Il veut m’envoyer dans le cercueil ! » sous les rires du public.
Edward Li, metteur en scène de l’opéra, qualifie la pièce de « satire aux accents d’opéra cantonais ». Le livret, long de près de quatre heures, revisite l’histoire américano-chinoise depuis la rencontre entre Richard Nixon et Mao Zedong en 1972. L’intrigue principale suit Donald Trump dans une quête absurde pour retrouver son jumeau chinois, tout en croisant des figures comme Kim Jong Un.
« Les spectateurs sont curieux de voir comment la scène de l’attentat peut être interprétée dans le style de l’opéra cantonais », explique Edward Li. Son ambition : revitaliser ce genre traditionnel en l’ancrant dans l’actualité pour attirer un public plus jeune. Le succès du spectacle pousse d’ailleurs le metteur en scène à envisager une tournée internationale. « Trump est quelqu’un que le monde entier veut connaître », ajoute-t-il.
Un genre en déclin
Originaire du sud de la Chine, l’opéra cantonais a longtemps été un pilier culturel à Hong Kong, notamment dans les années 1960. Le théâtre Sunbeam, l’un des derniers temples de cette tradition, a d’ailleurs manqué de fermer en 2012 avant d’être sauvé par Edward Li. Mais aujourd’hui, l’intérêt pour ce genre s’amenuise.
Malgré un soutien de 200 millions de dollars hongkongais (25 millions d’euros) de la part des autorités en vingt ans, le nombre de spectateurs ne cesse de baisser. Le théâtre Sunbeam fermera définitivement ses portes le 3 mars, remplacé par une église évangélique. « L’opéra cantonais est à son plus bas, proche de la mort », déplore Edward Li.
Dennis Cheng, acteur spécialisé dans le genre, partage ce pessimisme : « Il est difficile de recréer ailleurs l’atmosphère du Sunbeam, où les artistes se sentaient chez eux. »
Clara Höser