L’Italie est en pleine tourmente après la révélation d’une vaste opération de surveillance illégale menée à l’aide de logiciels espions de fabrication israélienne. Des journalistes, activistes et ONG ont été ciblés, provoquant une vague d’indignation et des appels à une enquête au niveau européen. Pourtant, l’Union Européenne reste en retrait, laissant les autorités italiennes gérer seules ce scandale qui ébranle l’État de droit.
Des journalistes et ONG sous surveillance
Tout a commencé avec les révélations du journal en ligne Fanpage et de l’organisation humanitaire Mediterranea Saving Humans. Francesco Cancellato, directeur de Fanpage, et Luca Casarini, chef de la mission Mediterranea, ont reçu un avertissement de Meta (Facebook, Instagram, WhatsApp) leur indiquant que leurs appareils avaient été compromis par un logiciel espion de haut niveau.
Le logiciel en question, Graphite, a été développé par l’entreprise israélienne Paragon Solutions. Officiellement, Paragon vend ses technologies de surveillance uniquement à “un groupe restreint de démocraties mondiales”, principalement les États-Unis et leurs alliés. Pourtant, une enquête du journal Haaretz révèle que deux entités italiennes – un service de renseignement et une agence de sécurité – figurent parmi ses clients.
D’après le gouvernement italien, 90 personnes dans 14 pays de l’UE ont été ciblées, et 7 cas ont été confirmés en Italie. Le scandale prend une ampleur européenne, mais Bruxelles refuse de s’en mêler.
Des contradictions au sein du gouvernement italien
Face aux accusations, le gouvernement italien a d’abord nié toute implication. Le 6 février, le journal The Guardian rapporte que Paragon aurait résilié son contrat avec l’Italie “par excès de prudence”, après la découverte d’un usage inapproprié du logiciel.
Mais quelques jours plus tard, le 12 février, le ministre des Relations avec le Parlement, Luca Ciriani, dément fermement : “Aucun contrat n’a été résilié. Tous les systèmes restent pleinement opérationnels contre ceux qui menacent la sécurité nationale.”
Il affirme également que Graphite n’a jamais été utilisé contre des journalistes ou des activistes et menace de poursuivre en justice toute personne accusant le gouvernement d’espionnage illégal.
Cependant, trois jours plus tard, l’agence de presse Ansa révèle que le contrat avec Paragon a bel et bien été suspendu. Une enquête a été ouverte par le Comité parlementaire de surveillance des activités de renseignement (COPASIR) et l’Agence nationale de cybersécurité.
“Mercredi, le gouvernement a dit une chose ; vendredi, il en a dit une autre”, ironise Sandro Ruotolo, eurodéputé du Parti démocrate (S&D), appelant à des explications claires.
L’Union européenne impassible
Malgré les pressions, la Commission européenne ne compte pas intervenir. Lors d’une audition au Parlement européen, le porte-parole de la Commission, Markus Lammert, a déclaré que cette affaire relevait des autorités nationales. Il a néanmoins reconnu que “toute tentative d’accès illégal aux données des citoyens, y compris des journalistes et des opposants politiques, est inacceptable”.
Sandro Ruotolo et d’autres eurodéputés ont demandé la création d’une commission d’enquête européenne, estimant que cette affaire dépasse largement le cadre italien. Mais jusqu’à présent, aucune action concrète n’a été engagée.
Un scandale qui menace l’État de droit
Le scandale a aussi touché David Yambio, militant de l’ONG Refugees in Libya, qui a été espionné alors qu’il défendait les droits des migrants. Pour lui, cette affaire révèle “une énorme
Didier Maréchal