Afrique de l’Ouest : les présidents ghanéen et ivoirien appellent les pays de l’AES à revenir dans la Cedeao

Lors d’une visite à Abidjan, ce mercredi 5 mars, les présidents ghanéen et ivoirien, John Dramani Mahama et Alassane Ouattara, ont lancé un appel solennel aux dirigeants militaires du Mali, du Burkina Faso et du Niger, trois pays qui ont quitté la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) fin janvier de cette année.

Ces pays, gouvernés maintenant par des militaires depuis des coups d’État survenus entre 2020 et 2023, ont formé une alliance, l’Alliance des Etats du Sahel (AES), après leur départ de la Cedeao.

Un appel à l’unité régionale

Lors de cette rencontre, Mahama président du Ghana et nouvellement en fonction, a exprimé sa volonté de servir de médiateur pour rétablir les relations entre la Cedeao et les trois pays sahéliens. “Je me propose d’être un pont entre la Cedeao et les trois pays pour voir comment nous pouvons travailler ensemble pour qu’ils restent dans la sous-région et faire une transition vers la démocratie constitutionnelle”, a déclaré M. Mahama.

Le président ivoirien, Alassane Ouattara, a ajouté : “Je souhaite que l’appel du président Mahama puisse être entendu par ces trois pays frères, que nous puissions continuer ensemble au sein de la Cedeao.”

Contexte de la rupture et de l’Alliance des Etats du Sahel

La rupture entre l’AES et la Cedeao s’est produite après le coup d’État au Niger, en juillet 2023, qui a intensifié les tensions. À la suite de ce coup d’État, la Cedeao a menacé d’intervenir militairement et a imposé des sanctions économiques sévères contre le régime de Niamey, bien que ces sanctions aient été levées par la suite. Les trois pays ont justifié leur départ en accusant la Cedeao de ne pas les avoir suffisamment soutenus dans la lutte contre les violences djihadistes et de favoriser des relations étroites avec la France, une puissance qu’ils critiquent ouvertement.

Le 29 janvier 2025, les trois pays ont officiellement quitté l’organisation, accusant la Cedeao de ne pas avoir répondu à leurs préoccupations géopolitiques et sécuritaires.

La médiation en faveur de la paix

Mahama a souligné l’importance de l’unité régionale, affirmant : “Nous sommes prêts à les aider à combattre le terrorisme, car nous savons tous que quand la maison de votre voisin brûle, il faut l’aider à éteindre le feu avant qu’il se propage chez vous. Il y a plus de choses qui nous unissent que de choses qui nous divisent.” Le président Ouattara a ajouté que la coopération entre les pays de l’Afrique de l’Ouest était essentielle pour l’avenir de la région, soulignant que l’unité était cruciale pour résoudre les problèmes auxquels sont confrontés ces pays.

En dépit des efforts de médiation menés par des pays comme le Togo et le Sénégal pour éviter la rupture, les juntes sahéliennes ont insisté sur le caractère “irréversible” de leur décision. Mahama a exprimé son intention de se rendre prochainement dans les trois pays pour poursuivre les discussions.

Une collaboration renforcée en matière de défense, de sécurité et d’économie

Lors de leur réunion, les présidents Mahama et Ouattara ont également abordé des sujets cruciaux tels que la défense, la sécurité, ainsi que l’économie, notamment en ce qui concerne le cacao. La Côte d’Ivoire et le Ghana, qui sont les deux premiers producteurs mondiaux de cacao, ont mis l’accent sur l’importance d’une coopération économique étroite pour soutenir leur secteur agricole.

L’impact du gel de l’aide états-unienne

Les présidents ont également évoqué la question du gel de l’aide au développement par l’administration états-unienne, qui pourrait avoir de lourdes conséquences pour de nombreux pays africains, notamment sur le plan sanitaire. “Les Etats-Unis d’Amérique ont le droit de décider avec qui ils veulent coopérer. Mais nous avons aussi le droit d’apprendre à nous occuper de nous-mêmes. Nous avons déjà ajusté notre budget pour compenser la baisse [de l’aide]”, a déclaré Mahama. De son côté, Ouattara a exprimé l’espoir que les États-Unis d’Amérique reprennent bientôt leur coopération après l’audit en cours, tout en soulignant la relation historique d’amitié entre les deux nations.

L’avenir de l’Afrique de l’Ouest en question

L’appel des présidents Mahama et Ouattara met en lumière les défis géopolitiques qui secouent actuellement l’Afrique de l’Ouest. Si les pays de l’AES ont exprimé des doutes quant à leur place au sein de la Cedeao, la médiation ghanéenne et ivoirienne montre une volonté forte de restaurer l’unité et la stabilité dans une région en proie à des tensions internes et externes.

Dans ce contexte, l’avenir de l’Afrique de l’Ouest dépendra largement de la capacité des dirigeants régionaux à résoudre les différends politiques, sécuritaires et économiques tout en préservant la solidarité et la coopération au sein de la sous-région.

Joseph Kouamé

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