Guerre en RDC : la situation sécuritaire de plus en plus complexe à Béni, le M23 profite des mines, l’armée accuse Thomas Lubanga de créer une nouvelle rébellion, aveu de faiblesse de la part de Tshisekedi etc… (notre point du 13 mars)

La situation sécuritaire en République Démocratique du Congo (RDC) ne cesse de se détériorer, notamment dans l’Est du pays, où les forces armées congolaises (FARDC) peinent à contenir l’avancée du M23 et d’autres groupes armés. À Beni, l’armée a récemment présenté des combattants capturés, mais les attaques meurtrières se poursuivent, plongeant la population locale dans l’angoisse et l’incertitude.

Parallèlement, le M23, fort de son contrôle sur des territoires riches en ressources minières, continue de financer son effort de guerre. Acculé par l’échec militaire, Félix Tshisekedi a fini par accepter des négociations avec les rebelles, un revirement majeur qui s’apparente à un aveu de faiblesse. Dans ce contexte explosif, l’armée congolaise accuse l’ex-seigneur de guerre Thomas Lubanga de créer une nouvelle rébellion en Ituri, tandis que deux proches de l’ancien président Joseph Kabila sont convoqués par la justice pour collusion avec le M23.

Un chaos sécuritaire persistant à Beni et au Nord-Kivu

Dans l’est du pays, et particulièrement à Beni, la situation est de plus en plus complexe. L’armée congolaise a organisé une conférence de presse où elle a présenté un groupe de soldats du M23, des islamistes radicaux ADF, et d’autres éléments armés hostiles au gouvernement. Toutefois, malgré ces annonces, les combats se poursuivent et l’insécurité demeure.

La région de Mavivi, au nord de Beni, illustre bien cette instabilité. Des attaques meurtrières menées par les ADF, un groupe rebelle affilié à l’État islamique, ont causé la mort de dizaines de civils ces derniers mois. Des maisons incendiées, des familles endeuillées et une population traumatisée témoignent du chaos ambiant. Malgré la présence des FARDC et des forces ougandaises (UPDF), les habitants se sentent abandonnés, surtout après la disparition tragique de sept enfants enlevés lors d’une attaque.

La frustration monte, car les alertes répétées de la population n’ont pas été suivies d’actions efficaces. Les forces armées congolaises doivent affronter simultanément les ADF, le M23 et des milices locales comme les Wazalendo, rendant la tâche encore plus ardue.

Le M23 tire profit des mines et renforce son influence

Le M23 a su tirer parti des territoires conquis en exploitant les ressources minières locales. L’or, le coltan et d’autres minerais stratégiques sont devenus une source majeure de financement pour ce groupe rebelle, qui utilise ces revenus pour renforcer son arsenal militaire et recruter de nouveaux combattants.

Dans ce contexte, la médiation angolaise a annoncé que Kinshasa et le M23 allaient entamer des négociations directes à Luanda, une décision surprenante de la part de Félix Tshisekedi qui, jusqu’ici, refusait tout dialogue avec ce groupe armé.

Un revirement stratégique de Tshisekedi : un aveu de faiblesse ?

Jusqu’à récemment, Félix Tshisekedi rejetait toute idée de négociation avec le M23, qu’il qualifiait de “terroriste”. Pourtant, face à l’échec militaire et aux avancées continues du groupe rebelle, il a fini par demander une médiation angolaise pour organiser des pourparlers.

Ce changement de position est perçu comme un aveu de faiblesse. Alors que le gouvernement congolais a mis à prix les têtes de trois leaders du M23 (Corneille Nangaa, Bertrand Bisimwa et Sultani Makenga) avec une prime de 5 millions de dollars, il se voit aujourd’hui contraint de discuter avec ces mêmes ennemis.

Le M23, qui contrôle désormais plus de 50 000 km² et plus de 10 millions d’habitants, se retrouve en position de force. En 2009 et 2013, lors des précédentes négociations, il n’avait jamais eu un tel pouvoir territorial et militaire. Aujourd’hui, la donne a changé et le gouvernement congolais arrive affaibli à la table des discussions.

Le politologue Bob Kabamba de l’Université de Liège analyse la situation :“Militairement, Félix Tshisekedi n’y arrive pas. Le M23 progresse vers Kisangani au nord et le Katanga au sud, et même le soutien du Burundi semble s’être réduit. Tshisekedi veut négocier avant que la situation ne lui échappe totalement.”

De son côté, le M23 adopte une posture prudente. Oscar Bahinda, porte-parole adjoint du mouvement, a réagi à l’annonce angolaise en déclarant :“On a vu le communiqué comme vous. Maintenant, on attend l’invitation.”

Pour le M23, le temps joue en sa faveur et ses revendications devraient inclure la levée des condamnations à mort de ses dirigeants, la fin des mises à prix, et la suppression de la résolution du Parlement congolais interdisant toute négociation avec les rebelles.

Thomas Lubanga accusé de fomenter une nouvelle rébellion

Alors que le gouvernement congolais peine à gérer la crise avec le M23, une nouvelle menace se profile à l’horizon. L’armée accuse l’ex-seigneur de guerre Thomas Lubanga Dylo d’avoir fondé un nouveau groupe armé, la Convention pour la Libération Populaire (CRP).

Selon les FARDC, cette rébellion, basée en Ituri, serait en collaboration avec le M23 et d’autres groupes hostiles à Kinshasa. Son organisation est dirigée par plusieurs figures bien connues, dont Charles Kakani et Ibrahim Tabani, tandis que Jokaba Lambi en serait le secrétaire exécutif.

Contacté depuis Kampala, Charles Kakani a confirmé la création de ce mouvement mais nié tout lien avec le M23. Il affirme que leur lutte vise une “révolution populaire” contre le régime de Tshisekedi.

Cette nouvelle menace vient compliquer encore davantage une situation déjà explosive, mettant Kinshasa face à une insurrection croissante dans plusieurs provinces du pays.

Deux proches de Joseph Kabila convoqués par la justice

En parallèle, la justice congolaise a convoqué deux proches de l’ex-président Joseph Kabila pour des soupçons de collusion avec le M23. Face à cette situation, Kabila a annoncé qu’il suspendait ses études en Afrique du Sud pour se consacrer à la crise sécuritaire dans l’Est du pays.

Un avenir incertain pour la RDC

La guerre dans l’Est de la RDC atteint un tournant décisif. Le M23 se renforce, de nouvelles rébellions émergent, et Kinshasa est contraint à des concessions. Tshisekedi, qui voulait affronter le M23 militairement, se retrouve désormais à négocier sous la pression des avancées rebelles.

La question demeure : ces négociations aboutiront-elles à une paix durable, ou ne seront-elles qu’un répit avant de nouveaux affrontements ? Dans un pays marqué par des décennies de conflits, la stabilité semble toujours un objectif lointain.

Joseph Kouamé

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