L’est de la République démocratique du Congo (RDC) est une nouvelle fois secoué par une avancée majeure du groupe rebelle M23, qui s’est emparé de Walikale, localité stratégique au cœur d’une zone minière cruciale. Dans un contexte de tensions diplomatiques, le président congolais Félix Tshisekedi a rencontré à Doha son homologue rwandais Paul Kagame, accusé de soutenir le M23. Pendant ce temps, Joseph Kabila, ex-président, dénonce des accusations « infondées » et pointe la responsabilité du pouvoir actuel.
Le M23 prend Walikale, cœur d’une région minière convoitée
Le jeudi 20 mars, plusieurs sources sécuritaires et locales ont confirmé que les rebelles du M23 ont pris le contrôle de Walikale, un nœud routier stratégique du Nord-Kivu, situé à proximité de riches gisements d’or et de cassitérite (minerai d’étain). Le 14 mars déjà, la société minière Alphamin avait évacué son personnel et suspendu l’activité de sa mine de cassitérite de Bisie – la troisième au monde en production d’étain, à seulement 50 kilomètres de Walikale – en prévision de l’avancée des rebelles.
Une offensive éclair et une mainmise sur les ressources
Cette prise de Walikale s’inscrit dans une offensive éclair du M23, qui, avec l’appui présumé de troupes rwandaises selon l’ONU, a conquis ces deux derniers mois Goma et Bukavu, les deux plus grandes villes de l’est congolais. Le M23, actif depuis 2021, affirme défendre les populations tutsi, mais il s’est également emparé de vastes territoires riches en minerais, dont la mine de Rubaya, plus grand gisement de coltan de RDC, indispensable pour la fabrication de produits électroniques. Le contrôle de ces ressources alimente le conflit et alarme la communauté internationale.
Rencontre Tshisekedi-Kagame à Doha : vers un cessez-le-feu ou une impasse ?
Alors que les combats s’intensifient, une rencontre surprise a eu lieu le 18 mars à Doha entre les présidents Félix Tshisekedi et Paul Kagame, sous l’égide de l’émir du Qatar. Les deux dirigeants ont réaffirmé leur engagement envers le cessez-le-feu préconisé par le sommet EAC-SADC de Dar es Salaam du 8 février, qui avait annoncé la fusion des processus de paix de Nairobi et Luanda.
Méfiance persistante et diplomatie fragile
Malgré cet engagement, aucune trêve réelle n’est constatée sur le terrain. Le processus de Dar es Salaam, qui prévoit 30 jours pour instaurer un cessez-le-feu effectif, peine à se mettre en œuvre, dans un climat de méfiance généralisée entre Kinshasa et Kigali. Le Qatar tente de maintenir le dialogue, mais la confiance est rompue, et les initiatives régionales restent encore dans les limbes.
Kabila accuse Tshisekedi et exige des preuves de sa prétendue complicité avec le M23
L’ancien président congolais Joseph Kabila est sorti de son silence dans un entretien accordé à SABC News, média sud-africain. Il a dénoncé les accusations selon lesquelles il serait lié à la rébellion du M23, qualifiant ces rumeurs d’« infondées » et appelant le président Tshisekedi à fournir des preuves.
« Le problème, c’est Félix Tshisekedi »
Kabila a martelé : « Si j’étais complice de l’AFC-M23, la situation serait différente », affirmant que le véritable problème est Félix Tshisekedi lui-même. Il a également appelé à une réflexion collective des Congolais, réunissant opposition, société civile et Église catholique, pour « trouver une solution en tant que Congolais ».« Nous devons cesser de blâmer les autres et nous demander si nous ne sommes pas nous-mêmes le problème. Le Congo ne peut plus être le pleurnichard de la région », a-t-il déclaré.
Retour de la Monusco au Sud-Kivu ? La question se pose à nouveau
La détérioration rapide de la situation sécuritaire pousse les acteurs régionaux à reconsidérer le retrait de la Monusco, la Mission des Nations unies pour la stabilisation en RDC. Réunis le 17 mars à Harare (Zimbabwe), les ministres des Affaires étrangères de la SADC et de l’EAC ont examiné la possibilité d’un retour de la Monusco au Sud-Kivu, province qu’elle avait quittée au premier trimestre 2024.
Un retour soumis à l’ONU
Le retrait progressif de la Monusco avait été acté le 22 novembre 2023 à Kinshasa, avec un plan de départ en trois phases sur plus d’un an. Si le Nord-Kivu et l’Ituri voient le retrait suspendu, le Sud-Kivu pourrait revoir revenir les casques bleus, à condition qu’un nouvel accord soit validé par le Conseil de sécurité. Une source onusienne indique : « C’est envisageable. Si le Conseil entérine cette décision, la Monusco retournera au Sud-Kivu. »
Ine situation explosive, des réponses incertaines
Entre avancées militaires du M23, rivalités politiques internes, tensions diplomatiques avec le Rwanda, et hésitations onusiennes, la RDC se trouve au bord d’un embrasement généralisé. Le contrôle des ressources minières par les rebelles, l’incapacité à imposer un cessez-le-feu, et la division des élites congolaises compliquent toute perspective de paix durable. L’avenir immédiat de l’est congolais dépendra de la capacité des acteurs régionaux et internationaux à stopper la spirale de la violence avant qu’elle ne devienne incontrôlable.