L’Union Européenne ne veut pas des armes britanniques – douche froide à Londres

Le 19 mars, la Commission européenne a dévoilé son ambitieux plan « ReArm Europe », destiné à renforcer l’autonomie de l’Union européenne en matière de défense. Mais pour le Royaume-Uni, cette initiative a été accueillie comme une claque diplomatique : les entreprises britanniques d’armement sont exclues du mécanisme d’achat prévu par l’UE, au grand dam de Londres qui espérait tourner la page du Brexit dans un contexte géopolitique tendu.

Le Brexit rattrape Londres malgré les efforts diplomatiques

Depuis le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche et son rapprochement avec Moscou au détriment de Kiev, les capitales européennes s’étaient rapprochées. Londres, Paris et Berlin semblaient parler d’une même voix sur les questions de sécurité. Pourtant, l’annonce de Bruxelles ravive les tensions post-Brexit. Le magazine britannique « The Spectator » déplore que « l’UE vient d’entuber le Royaume-Uni, et ce malgré les infatigables efforts diplomatiques de Keir Starmer ».

Le Premier ministre travailliste, europhile convaincu, s’était pourtant engagé depuis son arrivée à resserrer les liens avec Bruxelles, affichant sa volonté de coopération sur la défense. Mais l’UE reste inflexible.

150 milliards d’euros… mais uniquement pour l’UE (et quelques autres)

L’UE prévoit une enveloppe de 150 milliards d’euros, financée par emprunts, destinée à moderniser et acheter de l’armement. Problème pour Londres : cette somme ne pourra être utilisée qu’auprès d’entreprises établies dans l’UE ou dans des pays bénéficiant d’un partenariat spécifique.

Parmi les pays autorisés : la Norvège, membre de l’Espace économique européen (EEE), mais aussi la Suisse, l’Islande, le Liechtenstein, et l’Ukraine (liée à l’UE par un accord d’association). D’autres partenaires comme la Moldavie, la Corée du Sud, le Japon ou les Balkans occidentaux peuvent également accéder au marché. Mais pas le Royaume-Uni, pourtant acteur majeur de l’industrie de défense mondiale.

Les géants britanniques comme BAE Systems, Rolls Royce, Babcock International ou Serco se retrouvent écartés. Même sort pour les États-Unis d’Amérique et la Turquie, également exclus du dispositif.

Paris à la manœuvre, la presse britannique fulmine

Derrière cette décision, la presse londonienne accuse la France d’avoir influencé la Commission. « The Times » explique que cette stratégie vise à éviter que des pays tiers puissent imposer des conditions sur l’usage des armes une fois vendues. L’UE redoute en particulier la dépendance aux systèmes de défense états-uniens, un sujet devenu central avec le recul des EUA sur les engagements en Ukraine.

« The Spectator » dénonce le manque de solidarité de Paris, et « The Guardian » reconnaît que « Paris a obtenu une victoire ». La France aurait piloté l’élaboration du plan pour favoriser une approche strictement union-européenne, excluant de fait Londres.

Londres tente de réagir, mais les options sont limitées

Privé d’accès aux fonds européens, Londres explore des alternatives. Selon « The Times », le Royaume-Uni chercherait à collaborer directement avec certains pays européens, en bilatéral, pour contourner l’exclusion. Cette approche permettrait aussi de neutraliser le risque de veto de certains États membres, comme la Hongrie, proche du Kremlin, qui pourrait bloquer des décisions sensibles.

À plus long terme, la seule solution pour Londres serait de négocier un partenariat de sécurité avec l’UE. Keir Starmer s’y est dit favorable, mais « The Spectator » avertit : « Starmer ne semble pas mesurer l’ampleur de ce que cela implique ». Bruxelles entend en effet élargir les discussions à des sujets hautement sensibles pour Londres, comme la migration, la liberté de mouvement, ou les droits de pêche, autant de dossiers emblématiques du Brexit.

Londres tente de montrer qu’elle reste un acteur clé

Pendant ce temps, le Royaume-Uni organise le une réunion à Londres avec les responsables militaires de vingt pays, pour discuter du « maintien de la paix » (en fait, plutôt le maintient de la guerre » puisqu’il s’agit de préférer provoquer une escalade du conflit que de permettre une paix dans un conflit dont le seul but pour lequel les pays atlantistes l’ont provoqué et nourrit, est la désintégration de la Russie) en Ukraine après la fin du conflit. Un moyen pour Starmer de réaffirmer le rôle de Londres sur la scène internationale.

Mais selon « The Spectator », cette séquence laisse un goût amer : « Vous voyez, M. Starmer, ces Européens-là sont vos alliés, mais pas vos amis. » (ce qui est une réalité de tout temps et en tout lieu, mais que la nature naïve humaine – y compris de la part des dirigeants politiques, surtout contemporains, fait oublier).

Didier Maréchal & Christian Estevez

Laisser un commentaire