La République Démocratique du Congo connait une période particulièrement dramatique depuis quelques semaines. Voici le point sur la situation de ce 28 mars 2025.
Un cessez-le-feu toujours ignoré malgré les appels internationaux
La situation en République démocratique du Congo (RDC) ne cesse de s’aggraver alors que les combats entre les Forces armées congolaises (FARDC) et les rebelles du M23 se poursuivent. Jeudi, lors d’une réunion du Conseil de sécurité, la cheffe de la Mission des Nations Unies en RDC (MONUSCO), Bintou Keita, a tiré la sonnette d’alarme, dénonçant l’ineffectivité du cessez-le-feu exigé par la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC), la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) et l’Union africaine.
“Malgré d’importants efforts régionaux et internationaux, le cessez-le-feu immédiat et inconditionnel demandé par la résolution 2773 du Conseil de sécurité et sous les auspices du Qatar ne s’est toujours pas concrétisé”, a-t-elle déclaré.
De son côté, la RDC accuse le M23 de vouloir imposer une administration parallèle dans les territoires sous son contrôle, notamment à Bukavu et dans d’autres zones stratégiques du Nord-Kivu. “Le droit à la légitime défense ne saurait être invoqué pour justifier une invasion armée ou la mise en place d’administrations parallèles”, a dénoncé Zénon Mukongo Ngay, représentant congolais à l’ONU.
En réponse, le Rwanda continue de rejeter les accusations de soutien au M23. Olivier Nduhungirehe, ministre rwandais des Affaires étrangères, a défendu la position de Kigali : “Pourquoi le Rwanda est-il ciblé de manière disproportionnée ? Nos mesures défensives resteront en place tant que notre sécurité frontalière ne sera pas garantie.”
Le retrait des forces de la SADC : un coup dur pour Kinshasa
Dans un développement majeur, le M23 et les chefs d’état-major des armées sud-africaine, tanzanienne, zambienne et malawite ont signé un accord permettant le retrait progressif des troupes de la SADC. Ce départ, qui affaiblit les FARDC, laisse le gouvernement congolais encore plus isolé face aux rebelles.
Les principales mesures de l’accord signé ce vendredi incluent :
• Le retrait immédiat des forces de la SADC, avec leurs armes et équipements, tout en laissant sur place les armes capturées des FARDC.
• Une évaluation et des réparations de l’aéroport international de Goma, en vue de sa réouverture.
• Une réunion de suivi entre la SADC et le M23 pour garantir le respect des engagements.
Ce retrait suscite des inquiétudes à Kinshasa. “La décision de la SADC est légitime, mais nous sommes conscients des conditions extrêmement difficiles”, a déclaré la ministre congolaise des Affaires étrangères, Thérèse Kayikwamba Wagner.
Le ministre sud-africain des Affaires étrangères, Ronald Lamola, a précisé que ce retrait “ne signifie pas un abandon de la RDC”, sans pour autant détailler les futures stratégies d’appui au gouvernement congolais.
Kinshasa et le M23 en discussions à Doha : une médiation sous haute tension
Alors que la situation militaire évolue, une délégation du gouvernement congolais et des représentants du M23 sont actuellement à Doha, sous l’égide du Qatar. Cette médiation, qui fait suite à une rencontre secrète entre les présidents congolais et rwandais le 18 mars, demeure entourée de mystère.
Officiellement, aucun détail n’a filtré sur les discussions en cours. “Le président agit désormais en toute discrétion”, confie une source proche du palais présidentiel congolais.
Cependant, plusieurs questions restent en suspens :
• Le Rwanda est-il représenté à Doha ? Pour l’instant, aucune information ne confirme sa participation.
• Les délégations vont-elles se rencontrer directement ? Il semble que des préalables restent à régler avant toute négociation officielle.
• La médiation qatarie pourrait-elle mener à un “processus de Doha” ? Rien n’est moins sûr, mais cette initiative diplomatique souligne l’intérêt croissant du Qatar pour la résolution du conflit.
Crise alimentaire : 28 millions de Congolais menacés de famine
Au-delà du conflit militaire, la RDC est en proie à une crise alimentaire d’une ampleur sans précédent. Selon les dernières analyses de la Classification intégrée de la sécurité alimentaire (IPC), 28 millions de personnes souffrent d’insécurité alimentaire aiguë, dont 3,9 millions en phase 4 (urgence alimentaire).
Les causes de cette catastrophe humanitaire sont multiples :
• Les violences armées qui forcent des milliers de familles à fuir et empêchent l’accès aux terres agricoles.
• L’inflation qui fait grimper les prix des denrées alimentaires essentielles (farine de maïs, huile de palme, manioc) jusqu’à 37 % en quelques mois.
• Les perturbations des chaînes d’approvisionnement, dues aux affrontements et aux blocus.
Le Programme alimentaire mondial (PAM) et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) ont lancé un appel urgent de 399 millions de dollars pour éviter une catastrophe humanitaire.
“Si rien n’est fait immédiatement, la situation pourrait devenir incontrôlable”, alerte un représentant du PAM, rappelant que plus de 738 000 déplacés internes souffrent d’une insécurité alimentaire extrême.
Vers un tournant décisif ?
Entre l’intensification des combats, le retrait des forces de la SADC, les négociations opaques à Doha et une crise alimentaire sans précédent, l’avenir de l’est de la RDC demeure incertain.
Si la médiation qatarie peut permettre une désescalade, l’absence d’un accord clair entre Kinshasa, Kigali et le M23 laisse planer le spectre d’une guerre prolongée, aux conséquences désastreuses pour la population congolaise.
Joseph Kouamé