La situation en République démocratique du Congo (RDC) continue de se dégrader avec des développements majeurs sur plusieurs fronts. Entre l’interdiction soudaine de l’aide belge par le Rwanda, les opérations de déminage de l’aéroport de Goma par l’AFC/M23, la présence militaire ougandaise en Ituri, et la pression du M23 sur Bukavu, le conflit prend une tournure de plus en plus complexe.
Le Rwanda interdit toute aide belge avec effet immédiat
Après avoir rompu ses relations diplomatiques avec la Belgique la semaine dernière, Kigali a décidé d’interdire toute aide belge aux organisations rwandaises.
Cette interdiction, annoncée avec effet immédiat, concerne les ONG locales et internationales, les organisations religieuses et caritatives basées au Rwanda.
Une interdiction aux lourdes conséquences
Le gouvernement rwandais a précisé que toute entité qui ne respecterait pas cette directive serait dissoute. De plus, les transactions financières avec la Belgique et ses institutions sont interdites, ce qui impacte directement :
•Les projets de l’agence belge Enabel
•Les universités belges
•Plusieurs ONG comme la Croix-Rouge de Belgique, 11.11.11, Plan International et Vétérinaires sans frontières
Face à cette situation, le ministre belge des Affaires étrangères, Maxime Prévot, a indiqué que des concertations sont en cours avec les ONG concernées pour évaluer les conséquences et trouver des solutions. La Belgique prend acte de la décision rwandaise, tout en soulignant que la rupture diplomatique ne devait pas impacter l’aide humanitaire et la coopération non gouvernementale.
L’AFC/M23 lance le déminage de l’aéroport de Goma
Deux mois après la prise de Goma par les rebelles de l’AFC/M23, l’aéroport international de la ville reste fermé et inutilisable.
Conscient de son importance pour l’acheminement de l’aide humanitaire et du transport aérien régional, le groupe armé a entamé des opérations de déminage.
Des infrastructures en ruine
Les stigmates des combats sont encore bien visibles :
•La tour de contrôle est hors service, endommagée par les affrontements.
•La piste d’atterrissage reste impraticable, malgré un nettoyage du tarmac.
•Des hélicoptères militaires détruits et du matériel abandonné jonchent encore les installations.
Alors que la MONUSCO et d’autres organisations internationales plaident pour la réouverture de l’aéroport afin d’établir un couloir humanitaire, des restrictions de déplacement imposées par l’AFC/M23 entravent les efforts de neutralisation des explosifs.
À Bukavu, le M23 impose son autorité par la peur
Depuis la prise de Bukavu à la mi-février, la ville vit sous la domination du M23, soutenu par le Rwanda.
La tension est palpable, et la population vit dans la peur permanente.
•Les rues se vident rapidement à la tombée de la nuit.
•Les habitants redoutent une attaque surprise des Maï Maï, miliciens locaux fidèles au pouvoir central congolais.
•Un récent accrochage entre le M23 et un petit groupe Maï Maï a semé la panique à Bukavu.
Des vidéos circulant sur les réseaux sociaux montrent des hommes armés entrant dans la ville, mais leur présence a été de courte durée. Les Maï Maï ont échangé quelques tirs avec les combattants du M23 avant de se replier vers le village de Nya-Ngezi, situé à une quarantaine de kilomètres de Bukavu.
L’incertitude demeure, avec des rumeurs persistantes d’offensives à venir, alors que les combats continuent dans les alentours de la ville.
En Ituri, la présence militaire ougandaise suscite des interrogations
Dans la province de l’Ituri, la présence depuis un mois de l’armée ougandaise (UPDF) soulève des questions et des tensions. Jeudi 27 mars, une réunion de coordination s’est tenue à Bunia entre les états-majors congolais et ougandais.
Vers une extension de l’opération Shujaa ?
L’objectif officiel de l’UPDF en RDC est de combattre les ADF, groupe islamiste d’origine ougandaise, dans le cadre de l’opération Shujaa, lancée en novembre 2021.
Cependant, l’armée ougandaise semble désormais s’intéresser à la Coopérative pour le développement du Congo (Codeco), un des groupes armés les plus meurtriers de la région, notamment dans les territoires de Djugu et Mahagi.
•L’UPDF et les FARDC coordonnent actuellement leurs opérations, mais des affrontements quotidiens entre l’armée ougandaise et la Codeco sont signalés autour de Fataki.
•La route nationale 27, essentielle pour l’approvisionnement de Bunia, est sous tension, avec des combats réguliers.
L’ombre du doute sur les intentions ougandaises
Le déploiement de l’armée ougandaise alimente les spéculations et la méfiance des populations locales. Certains redoutent un agenda caché, notamment après des déclarations controversées du chef d’état-major ougandais, qualifiant l’Ituri de “zone d’influence de l’Ouganda”.
Pendant ce temps, les civils continuent de payer un lourd tribut.
• Depuis janvier, plus de 200 civils ont été tués et 100 000 personnes déplacées.
• Médecins Sans Frontières a dû évacuer l’hôpital général de Fataki, devenu trop dangereux en raison des menaces des groupes armés.
Les violences empêchent de nombreux habitants d’accéder aux soins, et la situation humanitaire se détériore à un rythme alarmant.
Une guerre aux ramifications multiples
La guerre en RDC s’enlise et se complexifie.
Entre l’ingérence rwandaise et ougandaise, la violence croissante du M23, et l’incapacité du gouvernement congolais à sécuriser ses provinces de l’Est, la situation humanitaire devient catastrophique.
Pendant que les grandes puissances diplomatiques tergiversent, les populations locales continuent de vivre sous la menace constante des combats, des déplacements forcés et des exactions.
Le retour à la paix semble encore lointain, et la RDC s’enfonce jour après jour dans une crise aux conséquences régionales profondes.