GUINEE CONAKRY : L’EX DICTATEUR MOUSSA DADIS CAMARA CONDAMNÉ À 20 ANS DE PRISON POUR CRIMES CONTRE L’HUMANITÉ GRACIÉ POUR  » RAISONS DE SANTÉ » PAR LE PRÉSIDENT DOUMBOUYA

L’ex dictateur de la Guinée Conakry, Moussa Dadis Camara, a été gracié par l’actuel président du pays. Retour sur le parcours de ce personnage auquel est associé l’une des pages les plus sombres de l’histoire de ce pays de l’Afrique de l’Ouest et décryptage des réactions dans la classe politique et au sein de la société civile après cette annonce

De l’ombre aux avant scènes

Sorti de l’ornière au lendemain de l’annonce du décès de l’ancien président Lansana Conté en décembre 2008, celui qui jusqu’alors était capitaine s’empare du pouvoir en compagnie d’un groupe d’officiers et s’autoproclame président de la République à l’âge de 44 ans . La Guinée découvre le capitaine Camara, originaire de la zone forestière lointaine de la capitale Conakry. Il aime à l’occasion se présenter comme «  un homme du peuple »

De son cursus scolaire soldé par des études universitaires que certains décrivent d’ailleurs «  d’ insignifiantes  » on ne retient pas grande chose. Suffisant néanmoins au jeune Camara pour faire son entrée en 1990 au sein de l’armée où il fera carrière dans le domaine de l’intendance.

Les années 2007 et 2008 vont constituer un tournant dans la construction de son aura auprès de ses camarades de caserne. En plein révolte pour des questions de soldes, Dadis Camara va s’engager dans une mutinerie et finir par convaincre plusieurs de ses camarades d’armes qui vont facilement se rallier à lui lors du putsch de 2008.

Dadis Camara et ses mises en scènes

Qui ne se souvient pas de ses séquences légendaires devant les caméras pendant lesquelles, il reprend vertement les diplomates, leur donne au passage des leçons ou encore limoge publiquement le directeur général des douanes  de l’époque ? Dans une sorte d’exaltation et d’excitation qui laisse peu de place à la transparence, il enchaîne les arrestations de plusieurs caciques du régime Conté et entretien un flou sur la tenue d’une présidentielle pourtant attendue.

Le tragédie du stade de Conakry

Alors que l’opposition politique guinéenne se retrouve au stade de Conakry le 28 Septembre 2009, en signe de contestation contre le projet du chef de la junte militaire au pouvoir de se présenter aux élections présidentielles , l’armée va ouvrir le feu sur une foule de 50 000 personnes.

Au moins 150 personnes seront tuées par les militaires, 1 400 blessées et des centaines de femmes violées, selon les observateurs internationaux. Ce massacre des civils non armés sera condamné par la communauté internationale qui va imposer des sanctions aux autorités guinéennes, demander la punition de leurs auteurs et au capitaine à renoncer à ses ambitions présidentielles. Seuls 57 corps sur au moins les 156 tués seront retrouvés selon les familles et les organisations des droits de l’Homme.

L’exil privilégié de Dadis Camara au Burkina Faso

Après 13 mois , il renonce au pouvoir pour «  raisons de santé » le 15 janvier 2010 et s’installe au Burkina Faso où il doit poursuivre sa convalescence, après avoir reçu une balle d’un de ses éléments dans la tête. À Ouagadougou où dorénavant il a pris le nom de Moïse Dadis Camara à la faveur de sa conversion au catholicisme dans une église de la ville, il coule des jours paisibles.

Le fantasque chef de la junte guinéenne veut se faire oublier. Ce changement d’identité du moins au niveau de l’état civil lui permet de bénéficier de tous honneurs sous l’onction et la protection de Blaise Compaoré à l’époque à la tête du « pays des hommes intègres ». Mais il sera rattrapé en 2022 pour le procès au cours duquel il entend dire « sa part de vérité » affirme-t-il.

Un procès inédit et une condamnation saluée

Deux années de procès qui vont tenir en haleine les populations guinéennes qui réclament la vérité sur la responsabilité des principaux acteurs des événements du 28 Septembre 2009 au Stade de Conakry ainsi que leur condamnation.

Au total 12 personnes seront poursuivies au rang desquels Moussa Dadis Camara, chef de la junte. Mais 8 personnes seulement seront condamnées à des peines allant de 10 à 20 ans de prison , des faits qualifiés par la justice guinéenne de « crimes contre l’humanité par meurtres, assassinats, tortures, séquestrations, viols et responsabilités de supérieurs hiérarchiques ».

Moussa Dadis Camara et Moussa Tiegboro Camara écopent de 20 ans d’emprisonnement. En plus , les 8 condamnés doivent payer « un franc symbolique » pour chaque ONG constituée, cent cinq millions de FCFA ( soit 160 305,34 €) par cas de viol, soixante dix millions de FCFA ( soit 106 870,22 €) pour chaque cas de mort.

En réaction à cette condamnation de l’ex chef de la junte militaire guinéenne, les victimes et leurs avocats ont exprimé leur satisfaction suite au verdict. Ce verdict est «  tout de même l’aboutissement d’un combat de 15 ans » avait reconnu Asmaou Diallo, Présidente de « l’Association des Parents Victimes et Amis du 28 Septembre ». Elle-même avait perdu un de ses fils au cours cette tragédie.

Libération de Dadis : une décision qui divise

Plusieurs jours après l’annonce de la grâce présidentielle accordée à l’ancien chef du CNDD, le capitaine Moussa Dadis Camara, les réactions divergent au sein de la classe politique et des acteurs de la société civile locale.

Dr Édouard Zotomou Kpoghomou, dirigeant du parti politique « l’Union Démocratique pour le Renouveau et le Progrès » ( UDPR) et membre des forces vives de Guinée voit dans la grâce accordée à l’ex dirigeant militaire un acte « humanitaire  » et « une stratégie politique » de la part des actuelles autorités de Conakry.

Si cette décision intervient dans un contexte où la junte a décidé de prendre en charge les indemnisations des victimes elle «  jette une ombre sur l’indépendance de la justice guinéenne  » s’est indigné un militant des droits humains à Conakry avant de demander «  comment peut-on gracier un homme condamné pour un crime aussi grave ? » et conclure «  c’est un coup de poignard pour les familles des victimes » .

Libéré huit mois après sa condamnation prévue pour 20 ans , Moussa Dadis Camara est sorti de prison vendredi 29 mars 2025 dernier, a indiqué l’organisation guinéenne de défense des droits de l’homme (OGDH). Il se trouve à Conakry, après un escale chez lui, il a été conduit dans une villa d’un quartier chic de Conakry où il est surveillé par des pick-up de la gendarmerie a ajouté la même source.

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