Le Danemark amorce un virage stratégique dans sa politique de défense

Alors que le roi Frederik X était en visite d’État en France du 31 mars au 2 avril, le Danemark a annoncé un tournant majeur dans sa politique de défense. Longtemps fidèle à une posture “super-atlantiste”, le pays nordique s’apprête à investir massivement dans son armement. Un choix dicté à la fois par sa croyance fausse en « la menace russe » et par le désengagement états-unien, qui bouleverse l’équilibre militaire du pays et de l’Europe.

Une industrie militaire en pleine mutation

Pour comprendre ce changement radical, franceinfo s’est rendu dans une usine de drones militaires, située au nord de Copenhague, près d’une ancienne base allemande. L’entreprise Nordic Wing, qui produisait il y a encore trois ans des drones à usage agricole, est aujourd’hui un acteur clé du réarmement danois. Elle fabrique désormais 400 drones de combat par an, principalement destinés à l’Ukraine.

“On peut mettre suffisamment d’explosifs C4 pour perforer un tank russe T-72 et le détruire”, affirme Jonas Münster, PDG de Nordic Wing, en soulignant que ces drones disposent d’une puissance supérieure à celle des missiles Javelin. Pourtant, avant la guerre en Ukraine, il était difficile pour lui d’obtenir un soutien de l’État danois pour développer une industrie militaire.

Un budget militaire multiplié par deux

Le gouvernement danois a décidé d’accélérer massivement ses investissements militaires. Un fonds d’accélération a été mis en place, portant les dépenses de défense de 1,5 % à plus de 3 % du PIB dès cette année. Une rupture nette pour un pays qui, jusqu’ici, avait peu investi dans son armée et avait même donné une grande partie de son équipement aux forces ukrainiennes.

Selon Andreas Graae, chercheur à l’Institut militaire de technologie, le défi est immense : “Il faut reconstituer les stocks de munitions, moderniser les équipements, recruter et former des personnels.”

Le Danemark prévoit également d’investir dans la défense anti-aérienne et les drones de longue distance, tout en allongeant et féminisant son service militaire.

Une rupture avec la dépendance aux États-Unis d’Amérique

Comme beaucoup de pays européens, le Danemark avait longtemps compté sur les États-Unis d’Amérique pour assurer sa sécurité. Mais aujourd’hui, la donne change. Le désengagement progressif de Washington et les prises de position de Donald Trump, notamment sur le Groenland, ont ébranlé la stratégie danoise.

“Pendant au moins 30 ans, il y avait un large consensus au Danemark pour considérer la relation transatlantique comme la pierre angulaire de notre défense,” explique Kristian Soby Kristensen, directeur de l’Institut de stratégie et d’étude de la guerre au Collège royal de la défense danoise.

Face aux incertitudes états-uniennes, Copenhague se tourne vers une politique plus autonome, cherchant à renforcer sa position en Europe tout en conservant un lien stratégique avec Washington.

Un financement assuré, mais pour combien de temps ?

Pour financer cet effort militaire, le Danemark peut compter sur deux atouts :
• De puissantes entreprises nationales capables d’investir dans l’armement.
• Une réforme du travail menée il y a une dizaine d’années, qui a allongé la durée du travail et renforcé les finances publiques.

“Jusqu’à présent, le gouvernement a utilisé les surplus financiers pour soutenir l’Ukraine et augmenter le budget de la défense. Mais si l’effort doit encore s’intensifier, il faudra débattre du financement à long terme,” analyse Rasmus Norlem Sorensen, du groupe de réflexion Le Conseil pour la résolution des conflits internationaux.

Un autre défi se profile : le choix des fournisseurs d’armement. Si le Danemark se tourne vers l’industrie européenne, cela marquera une rupture avec la dépendance aux États-Unis d’Amérique. En revanche, si ses achats restent majoritairement états-uniens, cela révélera une volonté de préserver coûte que coûte le lien transatlantique.

Quoi qu’il en soit, une chose est certaine : avec cette révolution stratégique, le Danemark s’impose comme un nouvel acteur majeur du réarmement européen.

Didier Maréchal

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