Le Niger a décidé de faire du hausa – langue la plus parlée dans le pays -, une langue nationale, reléguant le français au rang de « langue de travail ». À Niamey, capitale du pays, la décision ne fait pas l’unanimité.
Faire du Hausa la langue officielle du Niger, à la place du Français, est un symbole de la part de la junte militaire à la tête de ce pays du Sahel. Si le français est encore inscrit comme langue officielle sur le site du gouvernement, en réalité, il est désormais relégué au simple rang de « langue de travail » au même titre que l’anglais, selon l’article 12 de la Charte de la refondation qui a aussi valeur de Constitution, promulguée le 26 mars par le général Abdourahamane Tiani, chef de la junte au pouvoir.
Le Hausa, langue parlée par plus de la moitié des 26 millions de Nigériens et aussi dans les pays voisins comme le Bénin, le Nigeria, le Tchad et la Lybie, devient la langue nationale.
Hamani Oumarou est chercheur au Laboratoire d’études et de recherches sur les dynamiques sociales et le développement local (Lasdel). Sur les colonnes d’un quotidien local il a indiqué que « les statistiques qui sont disponibles aujourd’hui donnent tous les arguments défendables qui montrent que le choix du Hausa est objectif. Personne ne peut le rejeter».
Selon l’enseignant-chercheur à l’université Abdou Moumouni de Niamey, il ne s’agit pas de prioriser une langue au détriment des autres, au risque, «d’éroder les efforts de construction de l’unité nationale ». Car la décision de faire du Hausa la langue nationale, sans le faire officiellement pour les autres langues nationales parlées au Niger, est critiquée, notamment sur les réseaux sociaux.
Militant autoproclamé pro-démocratie et anti-putsch, Tchanga Tchaloumbou Chaibou, explique qu’ériger le Hausa en langue nationale ne participe pas de la refondation du Niger. « Toute cette philosophie d’ériger une langue nationale parmi tant d’autres, moi je suis Hausa, en langue nationale, relève de la propagande pour capter le plus grand électorat qu’il faut, pour continuer à manipuler les consciences endormies».
Et l’activiste d’ajouter : « C’est ambigïté que l’on puisse dire que le Hausa est une langue nationale, pourquoi pas la langue officielle ? Quelle est notre langue officielle ? C’est la langue du colon : ce sont l’anglais et le français ».
Dans les faits, le Hausa, devenu langue nationale, ne change pas grand-chose, d’autant que le français sera toujours enseigné dans les écoleset sera parlé dans l’administration. D’où la réserve d’un universitaire nigérien « de là à avancer jusqu’à traduire tous les documents en langue Hausa, ça, c’est un autre pas, c’est pour moi un chantier sur lequel je n’aimerais pas m’aventurer ».
Dans les pas du Mali et du Burkina Faso
Le Mali et le Burkina Faso ont également relégué le français au rang de langue de travail, faisant des langues nationales leurs langues officielles. Les trois pays se sont retirés de la Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), qu’ils estiment inféodée à la France, pour former la confédération de l’Alliance des États du Sahel (AES). Ils ont débaptisé des rues et monuments aux noms français (ce qui est, là, tout ce qu’il y a de plus normal pour tout souverainiste du monde entier).
Salomon Albert Ntap