Burkina Faso : pas de nouvelles du frère du roi des Mossis 7 jours après son enlèvement à Ouagadougou

Abdul Aziz Congo, frère du roi des Mossis a été enlevé mercredi 31 mai, dans son quartier de Ouagadougou par des hommes se présentant comme étant des forces de sécurité. Son sort toujours inconnu, soulève des inquiétudes et pourrait raviver des tensions entre le pouvoir et l’autorité traditionnelle du pays.

L’un des frères du Mogho Naaba, le roi des Mossis kidnappé le 30 avril 2025, à Ouagadougou n’a toujours pas donné de ses nouvelles, sept jours après son enlèvement par des hommes se présentant comme étant des forces de sécurité. Un différend entre la junte militaire et le roi Mossi, serait à l’origine de cette arrestation.

De l’inédit, selon plusieurs observateurs. La seule fois où le pouvoir traditionnel a été pris à partie de la sorte remonte à l’époque sankariste, a expliqué Benoît Beucher, enseignant à la Sorbonne et spécialiste de la noblesse Mossis au Burkina Faso, auteur de l’ouvrage «Manger le pouvoir au Burkina Faso».

«Il faut se rappeler que Sankara, c’est une référence pour Traoré (le chef de junte au Burkina Faso), au moins sur le plan de la communication. Et la politique qu’on appelait à l’époque anti-féodale qui s’était traduite par des mesures vraiment vexatoires à l’égard du Mogho Naaba, s’est largement retournée contre lui-même. Et Sankara, qui était d’origine peule et Mossi, avait été accusé par une partie des Mossis, proches de la cour, d’ailleurs, d’être un étranger».

Pour l’universitaire, «c’est un vrai risque que court le chef de l’État actuel du Burkina, c’est de cristalliser finalement une contestation autour de l’appartenance à un ensemble Mossis». Cette arrestation d’un frère du roi, est le ferment de tiraillement au sein d’une société burkinabè déjà passablement troublée, insiste le chercheur.

L’interpellation du demi-frère du Mogho Naaba, a eu lieu alors qu’il faisait ses courses dans son quartier. Selon plusieurs témoins, qui se sont confiés aux médias locaux, l’intervention s’est déroulée sans violence apparente mais dans une atmosphère tendue. Aucune déclaration officielle n’a été faite à ce stade par les autorités, et les raisons de cette arrestation demeurent floues.

Dans une interview accordée par Abdul Aziz Congo au site d’information «Faso.net» en septembre 2024, il appelait les autorités religieuses et coutumières à faire respecter les engagements pris lors de la transition politique entre le lieutenant-colonel Paul Henri Damiba et l’actuel chef de l’État, le capitaine Ibrahim Traoré, en octobre 2022.

À l’époque, les autorités traditionnelles, dont le Mogho Naaba, s’étaient posées en médiatrices pour éviter un affrontement entre les deux factions militaires.Traoré s’était alors engagé à promouvoir la réconciliation nationale, le respect des engagements pris par la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest(Cédéao), ainsi que la cohésion au sein des forces armées. Des questions qui selon plusieurs analystes, sont devenues particulièrement sensibles et sources de crispation au sommet de l’État burkinabè.

Selon des sources proches de la chefferie coutumière, le capitaine Ibrahim Traoré aurait récemment sollicité le Mogho Naaba pour une médiation urgente face aux tensions internes dans l’armée. Une demande que le roi des Mossis aurait poliment déclinée. Moins de 24 heures plus tard, son demi-frère était arrêté.

Tous les pouvoirs se sont « accommodés » jusqu’ici de cette monarchie et ont recherché à s’en faire une alliée pour essayer de calmer les tensions politiques à l’exception de Sankara, souligne Benoît Beucher. D’ailleurs « ça lui a coûté très cher », ajoute-t-il.

L’arrestation du frère du roi par le nouvel homme fort de Ouagadougou constitue en cela une erreur politique, pense M. Beucher. Mais une erreur qui pourrait être réparée. Certaines sources locales indiquent que des tractations auraient lieu entre le Palais du Mogho Naaba et la présidence de la République sur le sort d’Abdul Aziz Congo.

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