Bangladesh : vive controverse autour de l’interdiction du parti de l’indépendance

Mesure de justice ou déni de démocratie ? Au Bangladesh, la mise au ban politique du parti de l’ex-Première ministre du Bangladesh Sheikh Hasina, fer de lance de la guerre d’indépendance, a résonné comme un coup de tonnerre.

Le chef du gouvernement provisoire du Bangladesh, Muhammad Yunus a menacé de démissionner s’il ne parvient pas à obtenir le soutien des partis, ont rapporté jeudi des sources au sein de son bureau et un de ses alliés politiques, au lendemain de manifestations de divers partis à Dacca.

Depuis la décision début mai du gouvernement provisoire, qui exclut la Ligue Awami des élections générales attendues d’ici un an, la controverse bat son plein, entre partisans et adversaires du plus vieux mouvement politique bangladais

Le prix Nobel de la paix, âgé de 84 ans, est à la tête du pays depuis la chute de l’ex-Première ministre Sheikh Hasina l’été dernier après une révolte étudiante. « Pour le bien du Bangladesh et une transition démocratique pacifique, le professeur Yunus doit rester en poste », a déclaré sur Facebook Faiz Ahmad Taiyeb, un assistant spécial de Muhammad Yunus, chef du ministère des Télécommunications. « Le conseiller en chef ne va pas démissionner », a-t-il ajouté, tout en assurant qu’il « n’aspire pas au pouvoir ». Muhammad Yunus a promis que des élections législatives, les premières depuis la chute de Sheikh Hasina, auraient lieu d’ici à juin 2026 au plus tard.

Jahangir Alam a choisi son camp. Son fils de 19 ans a été tué lors des émeutes qui ont précipité la chute de la « bégum de fer » en août 2024, alors il soutient sans hésiter l’interdiction de son parti. « Le gouvernement a pris la bonne décision. Qui a donné à Sheikh Hasina le droit de tuer mon fils ? », interroge le père d’Ibrahim Hossain Zahid. « Avant, les gens accrochaient la photo de « Mujib » au-dessus de leurs têtes. À cause des fautes de sa fille, ils la piétinent », poursuit-il.

Mujib », c’est Sheikh Mujibur Rahman. Père de Sheikh Hasina, premier président du Bangladesh indépendant en 1971 et chef de la Ligue Awami qui a mené le combat fratricide contre le Pakistan. Un héros pour nombre de ses compatriotes.

La question de l’avenir de la Ligue était posée depuis la « révolution » d’août 2024, mais ce n’est que le 11 mai que le chef du gouvernement provisoire, le prix Nobel de la paix Muhammad Yunus l’a finalement tranchée. Les activités de l’AL ont été interdites, a justifié l’exécutif, « en application de la loi antiterroriste, jusqu’au procès du parti et de ses chefs ».

Sheikh Hasina, plusieurs de ses ministres et des chefs de son parti et des forces de sécurité sont accusés par la justice d’avoir ordonné la répression des manifestations de l’été dernier. Selon un bilan très provisoire de l’ONU, elle aurait fait au moins 1 400 victimes.

La Ligue Awami a rejeté « avec dégoût » la décision des autorités. Et promis de « continuer à fonctionner de façon appropriée ». Dans un pays où les tensions politiques sont restées très vives, l’analyste Farhad Mazhar, proche des étudiants à la pointe de la mobilisation anti-Hasina, juge l’interdiction bienvenue. « Elle est juste et conforme à la volonté du peuple », argumente-t-il. « Alors oui, l’espace démocratique s’est réduit, mais la Ligue Awami n’a jamais exprimé aucun remords ». 

C’est là le principal reproche adressé à l’exécutif. Interdire l’AL constitue une « atteinte aux libertés fondamentales » qui « ressemble à la répression exercée par l’ex-gouvernement », a jugé l’ONG Human Rights Watch.

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