La justice chilienne a ordonné lundi 2 juin la détention provisoire de cinq personnes, dont un ex-juge vivant en Israël, pour laquelle une demande d’extradition doit être formulée, dans le cadre du premier jugement sur le trafic de milliers d’enfants entre 1950 et 1990.
Au Chili, un premier jugement vient de tomber dans un vaste scandale d’adoptions illégales. Pendant des décennies, des milliers d’enfants ont été arrachés à leur mère pour être envoyés à l’étranger. Cinq personnes sont désormais sous les verrous.
Parmi elles, une ancienne juge, Ivonne Gutierrez, qui vit aujourd’hui en Israël. Une demande d’extradition va être transmise, d’autant que les deux pays sont désormais liés par un accord signé dimanche. L’ex-juge est accusée d’association illicite, enlèvement de mineurs et prévarication intentionnelle dans l’adoption irrégulière aux États-Unis en 1983 de deux mineurs de San Fernando, au sud de Santiago.
L’enquête, entamée dans les années 1980, révèle une véritable mafia bien organisée : juges, avocats, un prêtre, du personnel médical… Tous agissaient ensemble pour convaincre, ou manipuler, des mères pauvres à abandonner leur bébé à la naissance.
Entre les années 1960 et les années 1990, plus de vingt mille enfants chiliens ont été adoptés et emmenés à l’étranger par des familles françaises, italiennes, américaines, belges ou encore canadiennes. Des adoptions encouragées par la dictature du général Pinochet. Mais des années après, des voix ont commencé à s’élever au Chili : plusieurs milliers de mères biologiques n’avaient en fait jamais accepté que leurs bébés soient donnés en adoption. Ce sont plus de 700 plaintes qui ont été déposées dans le cadre de ses adoptions forcées.
En pleine guerre froide, la dictature craignait qu’en grandissant, ces enfants rejoignent l’opposition. D’autre part, les dirigeants de la junte militaire ne souhaitaient pas dépenser d’argent dans des programmes sociaux. Cette mafia « avait pour objectif de soustraire ou de voler des enfants à des fins lucratives » afin de « les faire sortir du pays », indique la décision du juge Alejandro Aguilar, chargé du dossier. Les enfants étaient envoyés vers « différentes destinations en Europe et aux États-Unis » et les familles payaient environ 50 000 dollars de l’époque pour les recevoir.