L’Assemblée nationale a voté à l’unanimité l’élévation au grade de général de brigade du militaire français Alfred Dreyfus le lundi 2 juin. Condamné à partir de fausses accusations montées sur fond d’antisémitisme, le capitaine avait demandé à voir sa carrière revalorisée dès son innocence reconnue, en 1906, sans obtenir gain de cause. Le Sénat devra se prononcer sur le texte.
Mieux vaut tard que jamais. Le militaire français Alfred Dreyfus a été élevé au rang de général de brigade le 2 juin par l’Assemblée nationale. Les députés ont approuvé à l’unanimité, une proposition de loi de Gabriel Attal « élevant Alfred Dreyfus au rang de général de brigade », un « acte de réparation » visant à parachever sa réhabilitation, cent trente ans après sa condamnation.
Une revalorisation qui intervient avec près de 120 ans de retard
Ce dernier voit par ailleurs ce texte comme l’occasion de donner à l’officier de l’armée française le « grade qui lui revenait de droit » après avoir été innocenté par la Cour de cassation il y a maintenant près de 120 ans. Le principal concerné avait d’ailleurs fait les démarches pour que sa carrière soit revalorisée. Celles-ci n’ont jamais abouti et il quitte l’armée en 1907, mais la rejoint de nouveau au cours de la Première Guerre mondiale.
Une mesure symbolique contre l’antisémitisme
Pour la ministre déléguée à la Mémoire et aux Anciens combattants Patricia Mirallès, qui s’est exprimée sur X, « ce geste prend un relief tout particulier à l’heure où les actes antisémites connaissent une inquiétante progression ». Une déclaration qui intervient après les dégradations causées à coup de jets de peinture verte sur plusieurs monuments de la communauté juive à Paris, dont fait partie le Mémorial de la Shoah, dans la nuit du vendredi 30 au samedi 31 mai.
Craintes sur l’instrumentalisation de la mémoire d’Alfred Dreyfus
La proposition de loi a été votée unanimement par les 197 députés présents à l’Assemblée nationale le 2 juin, et doit passer prochainement devant le Sénat. Cependant, certains représentants des Français au Parlement ont exprimé des réserves quant à la question du moment auquel le vote de ce texte a eu lieu, selon France 24 . Les députés du MoDem (Mouvement Démocrate) ont en effet boycotté le texte et se sont fendus d’une tribune publiée dans Le Figaro le 31 mai au sein de laquelle ils mettent en garde contre la potentielle instrumentalisation de l’affaire Dreyfus et de la mémoire du militaire français.
Plusieurs initiatives parlementaires ces dernières années
La question de la réhabilitation pleine et entière d’Alfred Dreyfus « a été longtemps occultée et ignorée, en dehors de sa famille et des spécialistes de l’affaire », note Charles Sitzenstuhl. Un pas est franchi en 2006, lors d’un hommage de la nation en son honneur : le président de la République, Jacques Chirac, reconnaît alors que « justice [ne lui] a pas complètement été rendue », et qu’il n’a pu « bénéficie[r] de la reconstitution de carrière à laquelle il avait pourtant droit ».
La ministre des Armées, Florence Parly, l’évoque à son tour en 2019. Deux ans plus tard, Emmanuel Macron estime qu’il revient « sans doute à l’institution militaire, dans un dialogue avec les représentants du peuple français » de nommer Alfred Dreyfus général à titre posthume.
Plusieurs initiatives parlementaires ont également été prises ces dernières années, par la droite à l’Assemblée et au Sénat, et plus récemment par le sénateur PS Patrick Kanner, en écho à une tribune mi-avril du premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, de l’ancien secrétaire général de l’Elysée, Frédéric Salat-Baroux, et du président de la maison Zola-Musée Dreyfus, Louis Gauthier.