Marseille (France) : Une adolescente contrainte d’effectuer des fellations dans un squat – un appel à la responsabilité collective

Le 2 juin 2025, une adolescente de 16 ans a été contrainte, sous la menace d’un couteau, d’effectuer des fellations à plusieurs majeurs dans un squat situé à la cité Saint-Barthélemy, dans le 14ᵉ arrondissement de Marseille. Cette agression, révélée par la presse locale, relève à la fois du viol et du viol en réunion sur mineure : un crime organisé qui frappe au cœur de notre conscience sociale et interpelle la faiblesse des dispositifs de protection de l’enfance.

Lors d’une opération anti-drogue à Marseille, la police municipale a poursuivi un dealer sur 16 étages d’un immeuble avant de l’interpeller, mais celui-ci s’était débarrassé de sa sacoche contenant drogue et argent.
En redescendant, les policiers ont rencontré une adolescente de 17 ans en fugue qui affirme avoir été forcée à pratiquer des fellations à plusieurs hommes et à prendre du protoxyde d’azote dans un squat de l’immeuble pendant trois jours.
Deux suspects correspondant au signalement donné par l’adolescente ont été interpellés et une enquête pour viols en réunion sur mineur a été ouverte.

Le squat Saint-Barthélemy un bâtiment désaffecté occupé par une vingtaine de personnes, mêlant des familles à la rue, des mineurs non accompagnés et des individus vulnérables incarne le visage le plus sombre de l’exclusion. Sans électricité ni eau courante, propice aux trafics de stupéfiants et aux réseaux clandestins, cet espace informel est devenu un terrain propice à l’exploitation sexuelle. L’adolescente, déracinée et sans solution d’hébergement stable, s’est retrouvée piégée par une emprise collective : la peur a suffi à briser sa volonté et à la réduire au silence.

Si la loi française punit sévèrement tout acte sexuel imposé à un mineur un viol caractérisé, d’autant plus aggravé lorsqu’il s’agit d’un viol en réunion, le droit ne peut agir qu’après le drame. En pratique, le référentiel législatif existe, mais la réalité du terrain demeure cruellement en deçà des principes affichés : saturation des places en centre d’accueil pour mineurs non accompagnés, manque cruel de coordination entre l’Aide sociale à l’enfance (ASE), les forces de l’ordre et les associations locales, difficulté à repérer et à protéger les mineurs isolés avant qu’ils ne tombent dans l’engrenage de l’exploitation.

Au-delà du seul squat marseillais, c’est l’ensemble du système de protection des mineurs fragilisés qui apparaît en panne. Dans les Bouches-du-Rhône, comme dans de nombreux départements, les places en foyer sont saturées, obligeant certains travailleurs sociaux à laisser des jeunes sans solution immédiate. La cellule de recueil des informations préoccupantes (CRIP), pourtant censée être le premier rempart contre la maltraitance ou l’exploitation, se heurte à un manque de moyens humains et financiers. Les signalements parviennent souvent trop tard lorsqu’un mineur est déjà victime d’une violence ou d’un trafic, et la réponse institutionnelle ne suit pas toujours le rythme.

Dans ce contexte, des mineures errantes, sans repères, deviennent rapidement la proie de réseaux d’emprise psychologique : quelques cigarettes, une promesse de toit, quelques menus présents, et voici le piège qui se referme. Les parents, lorsqu’ils existent, se trouvent parfois démunis, victimes eux-mêmes de la précarité et de la stigmatisation sociale qui règne dans certains quartiers populaires. L’isolement et le sentiment d’invisibilité alimentent la spirale de la peur.

La condamnation solennelle du maire de Marseille, Benoît Payan, qui a qualifié cet événement d’« agression abjecte », ne suffit pas. Derrière les mots, il faut des actes concrets :

  1. Renforcer le maillage social et éducatif
    Les services sociaux, la police et la justice doivent être plus étroitement coordinés. Des équipes mobiles composées d’éducateurs de rue, de psychologues et d’assistants sociaux doivent intervenir dans les zones à risque, repérer les mineurs vulnérables, établir un premier contact et proposer une prise en charge avant qu’il ne soit trop tard.
  2. Créer des places d’accueil adaptées
    La France, partie à la Convention de La Haye et aux directives européennes sur la protection des enfants migrants, peine à appliquer ses propres engagements. Les centres d’accueil pour mineurs non accompagnés doivent être multipliés et modulables, dotés d’un accompagnement éducatif et socio-médical 24 h/24. Sans cette capacité d’accueil, de nombreux adolescents resteront à la rue, exposés à la violence et à l’exploitation.
  3. Former et outiller les forces de l’ordre
    La brigade des mineurs, spécialisée mais sous-dotée, ne peut être le seul acteur à intervenir. Tout policier ou gendarme de secteur devrait bénéficier d’une formation continue à l’identification des signaux faibles : changements de comportement, absence répétée de scolarisation, signes apparents de malnutrition ou de négligence. La coopération entre police judiciaire et ASE doit être clarifiée par un protocole précis garantissant une prise en charge rapide après la phase d’enquête.
  4. Impliquer associations et citoyens
    Dans les quartiers populaires, le silence règne par crainte des représailles et par défiance envers l’institution. Les associations de terrain (centres sociaux, paroisses, organisations de soutien aux migrants) doivent être associées à une campagne de sensibilisation multilingue : affiches dans les lieux de vie, réunions communautaires, numéros verts dédiés aux mineurs victimes d’abus. Chacun, au titre de sa responsabilité citoyenne, peut devenir un maillon de la chaîne de protection.

La procédure judiciaire en cours vise à identifier et à sanctionner les auteurs de ce viol en réunion. Mais que restera-t-il de cette victime et de sa résilience ? Au-delà du procès, il faut garantir un suivi psychologique et médical à long terme, veiller à sa réinsertion scolaire ou professionnelle, à la reconstruction de sa confiance. C’est là que se mesure la véritable portée de la lutte contre l’exploitation sexuelle des mineurs : pas seulement dans la répression, mais dans la capacité à réparer et à prévenir.

Le viol de cette jeune fille dans un squat marseillais est un drame qui aurait pu être évité. Sa dénonciation publique doit être le point de départ d’une réflexion profonde sur notre modèle de protection de l’enfance, sur la façon dont nous concevons la solidarité et la responsabilité citoyenne. La France, l’Union européenne, les collectivités locales, les associations et chaque citoyen portent la charge morale de ne plus tolérer qu’un adolescent vulnérable devienne la proie des prédateurs.

Dénoncer cette violence n’est pas seulement un acte de justice : c’est un acte de vigilance et d’espoir. Vigilance pour que nul mineur ne reste invisible, espoir pour que, d’une prise en charge renforcée, naisse la possibilité d’un avenir préservé pour chaque enfant, quelle que soit sa condition sociale. L’heure est venue de briser l’omerta des squats et de réaffirmer, collectivement, que la protection des mineurs n’est pas un luxe, mais une exigence de notre pacte républicain.

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