EUA: le torchon brûle entre Donald Trump et la Fédéraliste Society, puissante organisation qui remodèle le système judiciaire du pays

Dans un message virulent posté le 30 mai sur son réseau »Truth Social », le président états-unien s’en est violemment pris à un certain Léonard Léo. Ce juriste inconnu du grand public est une figure majeure de mouvance conservatrice et allié de Donald Trump. Les attaques récentes du président contre lui ont surpris plus d’un.

Lors de son premier mandat, le président américain Donald Trump a nommé sous le conseil d’un homme influent, Léonard Léo, proche d’une puissante organisation, la Fédéraliste Society, de nombreux juges fédéraux et trois magistrats à la Cour suprême. Mais contre toute attente, le président états-Unien dénonce aujourd’hui leurs agissements.

Le divorce est consommé ?

Leonard Léo est présenté comme l’artisan principal d’une des plus grandes victoires du président républicain: la transformation du système judiciaire fédéral Etats-unien. Mais visiblement pas suffisant pour qu’il échappe à l’ire du locataire de la Maison Blanche.

Trump accuse son ancien allié de l’avoir encouragé à nommer des juges qui entravent aujourd’hui son programme. Une accusation qui fait suite à la décision des trois juges du Tribunal du commerce international des EUA, invalidant ses tarifs douaniers. Les magistrats ont jugé que le Donald Trump avait outrepassé son autorité en invoquant la loi 1977 sur les  » pouvoirs économiques en cas d’urgence internationale », la (International Emergency Economics Powers Act), pour prélever ces droits de douanes.

Un de ces juge, Timothy Reif, a été nommé par Trump lors de son premier mandat, justement sur recommandation de la Fédéraliste Society, la puissante organisation de juristes depuis peu ralliée au républicain à la faveur des manœuvres dudit Léonard Léo. En fin mai, Trump n’a pas caché dans un message qu’il est  » tellement déçu » par la Fédéralist Society en raison de « ses mauvais conseils » en matière de nomination judiciaires.

Une organisation ancrée dans l’originalité de la Constitution

Si son nom était peu connu en dehors des cercles initiés avant 2016, les manœuvres de Leonard Leo pour faire avancer l’agenda conservateur au sein des institutions juridiques du pays remontent à loin. Portée par les idées de Reagan sur la limitation du gouvernement et la dérégulation des marchés,  Fedralist Society a été fondée au début des années de 1980 par un groupe d’étudiants en droit de Yale et de Chicago. Avec pour objectif de contrer ce que ses membres considéraient à l’époque comme la domination de la pensée libérale et des idées progressistes sur les campus universitaires. 

L’organisation se qualifie de « groupe de conservateurs et de libertariens intéressés par l’état actuel de l’ordre juridique » et défend une vision rigoriste et originaliste de la Constitution américaine, qui préconise une interprétation en accord avec la signification qu’elle avait à l’époque de sa proclamation. Née d’une simple initiative visant à introduire des idées conservatrices et libertariennes dans les universités de droit et le milieu de la justice, le groupe s’est rapidement étendu dans le pays au cours des années 1990-2000, devenant bien plus qu’une simple association étudiante. 

Une influence bien rodée et établie

La Federalist Society compte aujourd’hui plus de 90 000 avocats, étudiants en droit, universitaires et juristes à travers tous les États-Unis. Sous la direction de Leo, l’organisation a bâti pendant plusieurs décennies un vaste réseau, s’efforçant d’identifier, de soutenir et de promouvoir les carrières de jeunes talents conservateurs pour qu’ils intègrent les tribunaux et institutions du pays. La Federalist Society a développé une stratégie bien rodée pour étendre son influence.

S’étant toujours bien gardé de critiquer Donald Trump, Leonard Leo a répondu poliment que ni lui ni la Federalist Society n’avaient participé à l’élaboration des nominations au Tribunal de commerce. Il s’est contenté de faire l’éloge du chef de l’État. « Je suis très reconnaissant au président Trump d’avoir transformé les tribunaux fédéraux, et ce fut un privilège d’y participer, a-t-il déclaré dans un communiqué. Il y a encore du travail à faire, c’est certain, mais le pouvoir judiciaire fédéral est meilleur qu’il ne l’a jamais été dans l’histoire moderne, et ce sera l’héritage le plus important du président Trump. » 

Plusieurs observateurs notent que la Federalist Society est bien plus ambivalente  à l’égard du second mandat du milliardaire républicain, qu’elle ne l’était lors du premier. Et interprètent la diatribe de Donald Trump sur son réseau comme un avertissement à l’égard de l’organisation et de ses membres pour qu’ils rentrent dans les rangs. Surtout dans un contexte où l’administration Trump s’en prend de plus en plus ouvertement aux tribunaux et conteste l’autorité de la branche judiciaire pour restreindre ses pouvoirs.

L’improbable capitulation de la Fédéraliste Society

Reste à savoir si l’association courbera l’échine. Peu probable, estime l’éditorialiste David French dans les colonnes du New York Times « La Federalist Society n’a jamais capitulé devant Trump. C’est un groupe décentralisé, et ses membres sont obstinément indépendants ». Plusieurs juges et avocats de l’association « se sont prononcés contre lui ou lui ont résisté par d’autres moyens », rappelle cet avocat conservateur, qui pointe que « les exemples sont maintenant presque trop nombreux pour être comptés ».

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