RDC : le Parlement autorise les poursuites judiciaires contre le ministre de la Justice Constant Mutamba accusé de détournement de fonds

L’Assemblée nationale de la République démocratique du Congo a donné son feu vert, dimanche soir, à l’ouverture de poursuites judiciaires contre Constant Mutamba, ministre de la Justice et garde des Sceaux. Il est accusé de détournement de deniers publics dans un projet de construction d’une prison à Kisangani. Une décision lourde de conséquences, qui devrait entraîner la démission du ministre dès ce début de semaine.

Un vote écrasant et à huis clos

Réunis à huis clos, les députés congolais ont largement approuvé la demande du procureur général près la Cour de cassation. Sur les 363 élus présents, 329 ont voté en faveur des poursuites, marquant une rupture nette avec l’homme fort du ministère de la Justice.

Le parquet reproche à Constant Mutamba, 37 ans, d’avoir ordonné le transfert de 19 millions de dollars à une société privée dans le cadre d’un contrat de gré à gré portant sur la construction d’un centre pénitentiaire à Kisangani, dans le nord-est du pays. Le contrat, d’une valeur totale de 29 millions de dollars, avait déjà été payé à 65 %, alors que la législation sur les marchés publics limite les avances à 30 %.

Projet fantôme et soupçons de corruption

Les révélations faites dans le rapport soumis aux députés sont accablantes. Le projet n’aurait pas reçu l’autorisation de la Première ministre, le site censé accueillir l’établissement n’existe pas, et la société bénéficiaire est décrite comme une “structure fantôme”, sans bureau connu, ni personnel, ni expérience avérée dans le domaine de la construction.

Le détournement présumé aurait pu être total si la Cellule nationale de renseignements financiers (CENAREF) n’était pas intervenue à temps en gelant les fonds et en alertant la justice. Ce gel a permis d’éviter la perte définitive de l’argent public, renforçant les soupçons sur la tentative de fraude.

L’entourage dénonce une cabale politique

Du côté de Constant Mutamba, l’heure est à la défense et à la dénonciation. Ses proches rejettent les accusations et dénoncent un “acharnement politique”, arguant qu’aucun fonds n’a été réellement encaissé par l’entreprise. Ils estiment que le ministre est visé pour ses réformes dans le secteur judiciaire, qui auraient contrarié certains intérêts occultes.

« Il paie aujourd’hui le prix de sa volonté de moderniser et assainir la justice congolaise », confie un conseiller sous anonymat.

Une partie des accusations écartée par les députés

Fait notable : l’Assemblée nationale a refusé d’examiner un second réquisitoire du procureur général contre le ministre Mutamba, relatif cette fois à des faits d’outrage aux corps constitués et incitation au manquement envers une autorité publique. Les députés ont estimé que ces faits ne justifiaient pas de poursuites dans l’immédiat.

Une affaire emblématique des tensions politiques et de la lutte anticorruption

Cette affaire relance le débat sur la lutte contre la corruption en RDC, mais aussi sur les lignes de fracture au sein du pouvoir. Constant Mutamba, qui s’était présenté comme un homme de rupture et de rigueur, pourrait désormais devenir le premier ministre du gouvernement à être jugé pour détournement de fonds publics sous cette législature.

La suite judiciaire dira si les faits sont avérés, mais une chose est certaine : l’onde de choc politique est bien réelle, à l’heure où les autorités congolaises cherchent à rassurer leurs partenaires internationaux sur leur engagement en matière de gouvernance.

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