Géorgie: «Le pouvoir réprime mais ne gouverne pas», estime la présidente Salomé Zourabichvili

En Géorgie, la répression s’accroit sur les partis d’opposition et les manifestants qui dénoncent toujours le résultat des élections législatives remportées le 26 octobre dernier par le Rêve géorgien, le parti au pouvoir à Tbilissi depuis 2013. Ce mouvement de contestation est soutenu par la cinquième présidente de Géorgie, Salomé Zourabichvili, qui refuse de reconnaître, elle aussi, ce résultat et qui demande l’organisation d’élections libres. En Géorgie, la démocratie semble battre en retrait et la situation contraint plusieurs à émigrer

Avec un président qu’une partie de la population considère illégitime et Parlement où ne siège plus qu’un seul parti. Aujourd’hui la démocratie est malmenée en Géorgie. Un avis que partage, Salomé Zourabichvili, cinquième présidente du pays.

« On peut dire surtout que toutes les institutions sont entre les mains d’un seul parti et d’un seul homme (l’homme d’affaires Bidzina Ivanichivili, fondateur du Rêve géorgien, NDLR). Et c’est pour cette raison qu’il est important, au moins symboliquement, que l’institution de la présidence survive. Aujourd’hui, tout le monde qualifie ce régime de « régime russe », très loin de la démocratie que l’on était en train de construire, très loin aussi de l’adhésion à l’Union européenne ». Ces mots de la présidente géorgienne extrait d’une interview accordée à RFI indiquent le mal être d’une population calfeutrer dans les mailles d’un régime répressif aux ordres de Mouscou, selon ses pourfendeurs.

Une descente aux enfers pour la démocratie reconnaît la cinquième présidente du pays. Depuis plusieurs semaines, les autorités géorgiennes ont lancé une vague d’arrestations à la fois de militants et d’opposants. C’est le modèle calqué sur le modèle russe, c’est-à-dire que l’on s’en prend d’abord à la société civile avec des lois qui sont des lois russes (loi sur l’influence étrangère par exemple NDLR). Et à présent l’on s’en prend aux leaders politiques. Ils s’attaquent systématiquement à tous les partis existants qui sont le fondement d’élections à venir martele Madame Zourabichvili. « La situation est sûrement pire qu’à la fin de la période soviétique », poursuit-elle.

Pour autant elle n’envisage pas de quitter la Géorgie, bien qu’ici tout le monde envisage toutes les possibilités parce que personne n’est à l’abri de cette vague de répression, avoue-t-elle. Une répression qui touche aussi bien de jeunes artistes que des politiques, des journalistes ou des hommes d’affaires qui à un moment donné étaient liés au gouvernement en place, et qui ne le sont plus. « Donc personne n’est à l’abri », confie-t-elle.

Malgré ce climat de répression, les manifestations se poursuivent tour les jours devant le Parlement depuis plus de 200 jours. En revanche, l’ampleur de ces manifestations n’est plus celle des premières semaines. Signe peut-être que le Rêve géorgien( parti au pouvoir)a « gagné la partie » et qu’il va pouvoir conserver sa main mise sur la Géorgie. Un point de vue que modère la présidente de la République. Pour elle les autorités « n’ont pas gagné la partie » . Tant qu’il y aura ne serait-ce qu’une seule personne devant le Parlement, « la partie ne sera pas encore jouée », insiste-t-elle. Il y a une nouveauté « géorgienne » qui consiste à matraquer les gens avec des amendes dont le montant équivaut à cinq ou dix mois de salaire, tout simplement parce qu’ils sont venus manifester relève-t-elle. Et cela explique que moins de gens sont présents aux manifestations, « mais cela ne change pas leur détermination », assure-t-elle.

La Géorgie dans le Caucase a vécu une fin d’année 2024 très mouvementée. Législatives contestées en octobre, désignation d’un président – Kavelachvili, tout aussi rejeté par l’opposition pro-européenne –, et l’ombre de Moscou qui plane avec, notamment, cette annonce du gouvernement du parti Rêve géorgien en fin d’année du report du processus d’adhésion à l’Union européenne. De quoi confirmer l’hémorragie des forces vives de ce pays de 3,7 millions d’habitants.

Selon les Nations unies, des centaines de milliers de Géorgiens vivent à l’étranger. Après l’espoir d’un avenir européen, les vagues d’instabilité politique et géopolitique, les conditions économiques précaires, le peu d’avenir professionnel pour les nouvelles générations ont encouragé cet exil, principalement vers l’Europe de l’Ouest, les États-Unis, le Canada et la Turquie.

C’est, en fait, depuis 2017 que le Rêve géorgien durcit le ton, multiplie les atteintes aux libertés individuelles, aux droits des minorités et sème le trouble. Les manifestants montent en pression au nom d’une bataille finale. Et, après avoir hésité, un grand nombre de Géorgiens choisissent d’émigrer.

Laisser un commentaire