Myanmar : le teck finance la guerre – la forêt disparaît dans l’indifférence générale

Au cœur de Myanmar, le bois de teck coule comme une sève sanglante. Depuis le coup d’État militaire de février 2021, cette essence précieuse alimente un trafic effréné qui sert à financer la guerre civile, entre guérilla et junte entraînant une déforestation sans précédent.

Dans les profondeurs Myanmar », militaire de la junte et forces de la guérilla ont développé une activité illégale dévastatrice pour les forêts pour financer les combats.

Une forêt livrée en sacrifice à la guerre

Le teck, bois noble prisé dans la construction navale ou le mobilier haut de gamme, devient une monnaie d’échange. Dans un pays en guerre, où l’économie formelle s’est effondrée, l’exploitation illégale des forêts est devenue un moyen de survie autant qu’un outil de domination. Dans un témoignage rendu au journal local  » Frontière Myanmar », un habitant du village de Yeshade a confié que des camions chargés de troncs de teck passent inlassablement. Une réalité brutale derrière ces images, « le pillage » du massif forestier de Bago Yoma, situé au sud de Naypyidaw, a-t-il déclaré.

La déforestation s’accélère depuis trois ans, et la junte militaire y voit une source de financement pour ses troupes. En face, les Forces de défense du peuple(PDF), armées par le gouvernement d’unité nationale en exil, s’en servent aussi pour l’achat de leurs armes, la nourriture et même le soutien logistique.

Resultat, Bogo Yamo est devenu un territoire disputé, où les forêts sont traitées comme des butins de guerre, une enquête du journal  » Frontière Myanmar ». La mécanique est bien huilée avec au bout de la chaîne des courtiers, qui rémunèrent les agriculteurs pour le transport des arbres abattus jusqu’aux centres urbains, notamment Rangoon ou Moulmein, informe l’enquête.

Pourtant, en 2016, le gouvernement civil dirigé par Aung San Suu Kyi avait tenté de mettre un frein à cette catastrophe. Un moratoire de dix ans censé duré jusqu’en 2026 avait été signé dans la région de Bago, mais depuis le putsch de 2021, cet instrument légal a volé en éclats. Malgré ce moratoire, les factions se livrent plus que jamais à un juteux pillage des ressources, l’abattage illégal bat son plein et personne dans un pays en guerre n’a la capacité d’endiguer ces activités, qui rapportent beaucoup et permettent aux parties en conflit de se procurer de la nourriture, des armes, des munitions et d’autres fournitures.

 À titre d’exemple, un camion transportant cinq tonnes de teck doit débourser un peu moins de 400 euros par trajet. L’argent est payé comptant aux checkpoints contrôlés par les rebelles ou la junte. Un seul tronc peut se vendre – en fonction de sa qualité – entre 340 et 2400 euros.

L’entreprise d’État, la Myanma Timber Entreprise, contrôlée par la junte, continue chaque mois de vendre du teck aux enchères, une manière de s’approvisionner en devises. Les monnaies acceptées sont l’euro, le dollar, le yuan chinois et le baht thaïlandais. La dernière enchère remonte au 4 juin où l’entreprise proposait à la vente 351 tonnes de teck. Le commerce continue.

Si l’importation est interdite dans l’Union européenne et les États Unis d’Amérique, les sanctions sont bafouées de différentes manières. Les commerçants et les divers intermédiaires exportent le teck vers des pays tiers, la Malaisie, l’Indonésie, l’Inde et l’exporte sous un faux certificat de provenance vers l’Occident.

La situation est donc hors de contrôle et tout le monde en profite. Le grand perdant c’est bien sûr l’environnement. On estime que Myanmar a perdu en 20 ans, 20% de sa couverture forestière, augmentant les risques d’inondations et de perte de sa biodiversité.

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