Thaïlande : le gouvernement au bord de l’effondrement après la fuite d’un appel téléphonique, la Première ministre présente ses excuses

En Thaïlande, le gouvernement est au bord de l’effondrement : en pleine crise pour le tracé de la frontière avec son pays voisin le Cambodge, la fuite d’un appel téléphonique de la Première ministre à l’ex-dirigeant cambodgien (et toujours très puissant) Hun Sen la met en difficulté. Après le retrait d’un pilier de sa coalition, son gouvernement est à deux doigts de perdre la majorité même après les excuses qu’elle a présenté ce jeudi.

La Première ministre thaïlandaise Paetongtarn Shinawatra, menacée par le délitement de sa coalition, a présenté jeudi ses excuses après ses remarques sur l’armée jugées inappropriées par ses rivaux conservateurs, sur fond de tensions avec le Cambodge.

La dirigeante demeure fragilisée par le départ de son principal allié, mercredi, qui laisse son gouvernement à la merci d’un revirement d’alliance, courant en Thaïlande, qui le condamnerait et provoquerait des élections anticipées.

« J’aimerais présenter mes excuses (…) Nous devons rester unis et éviter le conflit entre nous », a déclaré Paetongtarn, debout devant des responsables militaires, dans une rare image de cohésion.

« Je suis très déçue par le dirigeant cambodgien pour avoir mis en ligne l’enregistrement. Je ne pense pas qu’aucun autre dirigeant dans le monde aurait agi de cette manière », a insisté jeudi Paetongtarn, la plus jeune Première ministre de l’histoire du royaume, qui a promis d’être plus « prudente » à l’avenir.

Depuis mercredi, des appels de plus en plus sonores ont isolé Paetongtarn, critiquée par le camp conservateur pour son ton jugé irresponsable vis-à-vis des forces armées, lors de cette conversation téléphonique qui a fuité.

Dans l’enregistrement téléphonique, Paetongtarn, appelle Hun Sen, 72 ans, considéré comme un proche des Shinawatra, « oncle », une formule de politesse courante en Asie mais interprétée comme un signe trop familier ou révérencieux dans ce contexte par ses adversaires.

Elle a aussi assimilé à un « opposant » un général chargé de surveiller une partie de la frontière avec le Cambodge. Son objectif était d’apaiser les tensions à la frontière, ravivée fin mai par la mort d’un soldat khmer lors d’un échange de coups de feu, s’est-elle défendue.

Peu après la mise en ligne de l’enregistrement, par Hun Sen lui-même, le parti Bhumjaithai, le principal soutien de la formation au pouvoir Pheu Thai, a claqué la porte de la coalition, en critiquant la dirigeante qui a gâché la « dignité » des Thaïlandais.

En présentant ses excuses, Paetongtarn a gagné un répit. Au cours de la journée, elle a reçu le soutien d’au moins deux partis alliés, de même que celui de l’armée, qui occupe une place centrale dans la vie politique locale, le plus souvent au détriment des Shinawatra, leur bête noire.

Les militaires, à l’origine d’une douzaine de coups d’Etat réussis depuis la fin de la monarchie absolue en 1932, ont affirmé leur adhésion aux « principes démocratiques » et aux mécanismes légaux existants, tout en se tenant prête pour défendre la « souveraineté nationale », mettant ainsi fin aux rumeurs d’un nouvelle intervention lors des dernières heures.

De son côté, le parti du Peuple, la principale formation d’opposition qui a repris l’étendard de « Move Forward », le mouvement prodémocratie victorieux des législatives de 2023 avant sa dissolution, a appelé à la démission de Paetongtarn.

Parmi les scénarios évoqués, la dissolution de l’hémicycle pour organiser des élections anticipées sous 60 jours, ou la nomination d’un nouveau chef du gouvernement sur les bases d’une majorité similaire. Des centaines de manifestants, parmi lesquels des anciens « Chemises jaunes », ces partisans du roi et de l’ordre traditionnel rivaux des « Chemises rouges » pro-Shinawatra à la fin des années 2000, ont battu le pavé ce jeudi 19 juin devant le palais du gouvernement, à Bangkok, pour réclamer le départ de sa locataire.

Le ministère thaïlandais des Affaires étrangères a aussi remis jeudi à l’ambassadeur cambodgien une lettre de protestation. Au cours de la journée, l’indice de la Bourse de Bangkok a perdu près de 2,4%.

Paetongtarn Shinawatra, 38 ans, est arrivée au pouvoir en août 2024 à la tête d’une coalition entre le Pheu Thai et un groupe de partis conservateurs et pro-militaires dont les membres ont passé la majeure partie des 20 dernières années à lutter contre son père, Thaksin Shinawatra. 

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