Soudan: les paramilitaires des FSR et leurs alliés annoncent la formation de leur gouvernement parallèle, Le nombre de civils tués au plus haut depuis 2020, faute d’argent, le PAM menace de fermer des camps de réfugiés soudanais etc…

Alors que le conflit au Soudan entre l’armée régulière et les Forces de soutien rapide (FSR) entre dans sa troisième année, la situation politique et humanitaire se dégrade à une vitesse alarmante. Mardi 1er juillet, les paramilitaires des FSR, dirigés par le général Mohamed Hamdan Dagalo (Hemedti), ont annoncé la création d’un gouvernement parallèle avec leurs alliés politiques et militaires réunis au sein de l’alliance Tasis. Cette annonce, faite dans la ville de Nyala (Darfour du Sud), intervient alors que le pays est de facto divisé et que des millions de civils font face à une crise sans précédent.

Tasis : vers un pouvoir alternatif aux autorités de Port-Soudan

L’alliance Tasis, née en février dernier à Nairobi (Kenya), réunit groupes armés, partis politiques et organisations civiles soutenant les FSR. Son objectif : challenger le pouvoir de l’armée soudanaise, désormais basée à Port-Soudan depuis le retrait de Khartoum. Après plusieurs mois de tensions internes, Tasis a dévoilé la composition de son conseil de gouvernance, formé de 31 membres, avec à sa tête Hemedti en tant que président.

Il est secondé par Abdel Aziz Adam al-Hilu, leader du Mouvement de libération du Soudan-Nord (SPLM-N). Ce groupe armé, actif dans les régions du Nil Bleu et du Kordofan du Sud, a longtemps combattu l’État central et ses milices, dont sont issues les FSR.

« Le général Hemedti a exprimé des positions claires sur la nécessité de fonder un État laïc et démocratique pour tous les Soudanais, sans discrimination », s’est félicité Hasbelnabi Mahmoud, membre de Tasis.

Il reste toutefois à définir la capitale de ce gouvernement parallèle et à surmonter les dissensions internes qui ont déjà ralenti son lancement.

Soudan du Sud : flambée de violences, bilan civil record depuis 2020

Le conflit au Soudan a des répercussions directes sur son voisin du sud, déjà fragilisé. Entre janvier et mars 2025, 739 civils ont été tués au Soudan du Sud, selon la Mission des Nations unies (UNMISS). Il s’agit du plus haut bilan trimestriel depuis 2020, avec une hausse de 110 % par rapport au trimestre précédent.

Les violences, notamment dans l’État de Warrap (où l’état d’urgence a été décrété en juin), sont en majorité le fait de milices communautaires. Toutefois, l’UNMISS note une hausse inquiétante des attaques par des forces armées régulières ou rebelles (+27 %).

« Une escalade de la violence aggraverait encore la situation humanitaire déjà désastreuse », avait alerté le Haut-Commissaire aux droits de l’homme, Volker Turk, en mai dernier.

La rivalité politique entre le président Salva Kiir et son ancien vice-président Riek Machar, arrêté en mars, a ravivé les tensions, mettant en péril l’accord de paix de 2018.

Réfugiés soudanais : le PAM alerte sur une possible fin de l’aide humanitaire

La guerre au Soudan a poussé plus de 4 millions de civils à fuir le pays, dont près de la moitié sont réfugiés en Égypte, Libye, Centrafrique et Éthiopie. Le Programme alimentaire mondial (PAM) de l’ONU avertit qu’en l’absence de nouveaux financements, ses opérations humanitaires devront cesser dans les mois à venir dans ces pays.

« En Ouganda, le nombre de bénéficiaires a déjà été réduit, et beaucoup ne reçoivent que 25 % de la ration alimentaire minimale », explique Shaun Hughes, responsable régional du PAM.

Même au Tchad, à Adré, où la capacité logistique a été renforcée, les ressources manquent. Le PAM estime avoir besoin de 200 millions de dollars pour maintenir ses opérations pendant six mois.

Khartoum sanctionné par Washington pour usage présumé d’armes chimiques

Dans un nouveau coup dur pour les autorités de Khartoum, les États-Unis ont officialisé l’entrée en vigueur de sanctions contre le gouvernement soudanais, accusé d’avoir utilisé des armes chimiques (chlore) lors d’affrontements avec les FSR à Khartoum.

Ces mesures incluent :
• des restrictions sur les exportations américaines,
• un gel des ventes d’armes,
• l’interdiction de tout financement officiel du gouvernement soudanais.

Ces sanctions ne s’appliquent pas à l’aide humanitaire et aux produits agricoles, précise Washington. Le gouvernement soudanais nie formellement ces accusations, les qualifiant de « sans preuve » et de « politiquement motivées ».

Les faits auraient été révélés en janvier par le New York Times, citant des sources officielles anonymes. Le général Abdel Fattah al-Burhan aurait personnellement autorisé l’usage de chlore, selon ces témoignages. Ce n’est pas la première fois que le régime soudanais est accusé d’attaques chimiques : en 2016, Amnesty International avait recensé 30 attaques similaires au Darfour — également niées par Khartoum.

Un pays divisé, une région à la dérive

Avec la formation d’un gouvernement parallèle par les FSR et l’alliance Tasis, le Soudan entre dans une nouvelle phase de fragmentation politique, accentuant le risque de partition. La crise déborde désormais les frontières, touchant durement le Soudan du Sud, les pays voisins, et les réfugiés en exil, pris au piège entre guerre, famine et abandon diplomatique.

Pendant que deux généraux rivaux se disputent le pouvoir, des millions de civils sombrent dans l’oubli. Et faute d’une réponse urgente de la communauté internationale, la plus grande crise humanitaire en Afrique pourrait bientôt atteindre un point de non-retour.

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