Devant le Conseil de sécurité des Nations unies, la cheffe de la mission onusienne en République démocratique du Congo a dressé un constat alarmant : la situation sécuritaire et humanitaire dans l’Est du pays continue de se dégrader, malgré les multiples résolutions internationales.
Un écart croissant entre diplomatie et réalité
Mardi, à New York, Bintou Keïta, cheffe de la Mission des Nations unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO), a tiré la sonnette d’alarme devant le Conseil de sécurité. Selon elle, « les principales dispositions de la résolution 2773 restent largement inappliquées ».
« Malgré les demandes du Conseil, les rebelles de l’AFC-M23 ont poursuivi une logique d’expansion et de consolidation territoriale », a-t-elle ajouté, dénonçant le décalage persistant entre les décisions diplomatiques et la situation sur le terrain.
Les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu demeurent ravagées par les attaques des groupes armés, en particulier le Mouvement du 23 mars (M23), accusé par Kinshasa de recevoir un appui militaire du Rwanda. Depuis le début de l’année, le M23 a pris le contrôle de vastes zones, incluant désormais les villes stratégiques de Goma et Bukavu, où il a mis en place une administration parallèle, marginalisant totalement les institutions de l’État congolais.
Kinshasa alerte sur un risque de nettoyage ethnique
Face à cette avancée des rebelles, le représentant permanent de la RDC auprès de l’ONU, Zenon Ngay Mukongo, a averti la communauté internationale des risques de dérives graves.
« Le Rwanda a envahi le territoire de la République démocratique du Congo. Ils ont leurs troupes sur notre sol. Ils tuent tous les jours », a-t-il déclaré, avant de dénoncer la disparition de centaines de jeunes hommes à Bukavu, possiblement victimes d’une opération de nettoyage ethnique.
De son côté, Kigali rejette ces accusations. Son ambassadeur à l’ONU, Karoli Martin Ngoga, a riposté en affirmant que « les FDLR bénéficient de l’aide du gouvernement congolais » et que la MONUSCO, en coopérant avec l’armée de la RDC, « collabore indirectement avec un groupe classé terroriste ».
Les accords de paix dans l’impasse
Les initiatives diplomatiques lancées à Washington et Doha pour désamorcer la crise restent sans effet. Sept mois après l’adoption d’une résolution du Conseil de sécurité exigeant le retrait du M23 de Goma et Bukavu, aucune avancée concrète n’a été enregistrée.
Les observateurs pointent du doigt un manque de volonté politique et l’absence de mécanismes contraignants pour faire appliquer les décisions onusiennes.
Une mission onusienne paralysée
Présente en RDC depuis 1999, la MONUSCO, forte de plus de 9 000 soldats, se heurte aujourd’hui à de multiples obstacles : restrictions budgétaires, retards logistiques, rotations de troupes bloquées et fermeture de l’aéroport de Goma, ce qui entrave gravement ses capacités d’intervention.
Dans ces conditions, la mission peine à remplir son mandat principal : la protection des civils.
Une crise humanitaire d’une ampleur dramatique
Selon les chiffres des Nations unies, plus de 27 millions de Congolais souffrent d’insécurité alimentaire, dont près de six millions dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri.
La récente épidémie d’Ebola dans le Kasaï central vient encore aggraver la situation, tandis que le plan humanitaire de l’ONU n’est financé qu’à hauteur de 15 %.
Les populations civiles, prises entre les combats, les pénuries et les déplacements massifs, subissent de plein fouet l’effondrement sécuritaire et humanitaire du pays.
En conclusion, la MONUSCO appelle la communauté internationale à une mobilisation urgente et concrète pour éviter un nouveau drame de masse dans l’Est de la RDC. Les mots ne suffisent plus : sans volonté politique réelle et moyens logistiques renforcés, la paix restera hors de portée pour les millions de Congolais pris au piège d’un conflit interminable.