Des films apparaissant sur les écrans de cinéma des salles françaises à partir de ce 8 octobre 2025, ressort l’adaptation, en dessin animé, de l’un des chefs d’œuvres de l’écrivain George Orwell, « La ferme des animaux ». Initialement film de propagande anticommuniste financé par la CIA et destiné à un public adulte, il est devenu, avec le temps, un bon film à faire connaître au jeune public.
Parmi les films quelques films intéressants sortants dans les salles de cinéma de France, à partir de ce mercredi 8 octobre se trouve le dessin animé adapté du court roman « La ferme des animaux », l’un des célèbres chefs d’œuvres de l’écrivain britannique George Orwell. L’histoire de la production de ce premier long métrage animé produit par la Grande-Bretagne et sa qualité esthétique nous ont convaincues à en faire notre critique cinéma de cette semaine.
A l’origine, donc, il y a ce court mais puissant roman extrêmement célèbre de George Orwell intitulé « La ferme des animaux », écrit par l’auteur de « 1984 » quatre ans avant ce dernier, soit en 1945 et publié en juillet, à peine plus de deux semaines avant que les États-Unis d’Amérique ne commettent le plus grand crime de guerre envers des civils, en une seule attaque, à savoir le largage de la première bombe atomique de l’Histoire Humaine sur Hiroshima (Japon). Bien que l’histoire de « La ferme des animaux » nous narre la révolte de tous les animaux d’une ferme contre leur propriétaire humain qui profite bien de leur exploitation mais en les maltraitant, tout le monde comprend qu’il s’agit, en réalité, d’une œuvre à la façon d’Esope et de La Fontaine, destinée aux adultes car retranscrivant l’Histoire de la Russie devenue le pays communiste URSS et une dénonciation de cette idéologie politique à laquelle Orwell adhéra avant de prendre le recul nécessaire pour réaliser, entre autre, toute l’injustice et le mensonge de ce qu’elle prône comparé à la réalité de ses actes. On y reconnaît, alors, parmi les principaux personnages, Staline, Lénine, Trotski, Marx, l’empereur Nicolas II de Russie, mais également, le peuple russe, les pays ayant cherché à s’emparer de ce pays tels que les EUA, l’Allemagne, la Pologne, la Grande-Bretagne, etc… Mais, outre le fait que « La ferme des animaux » soit un roman dénonçant fort intelligemment le communisme (du moins, celui mis en pratique en URSS par Staline, puisqu’ Orwell restera communiste, mais anti stalinien), le roman est également une dénonciation du capitalisme.
Et c’est à partir de là que le dessin animé qui nous concerne trouve sa très grande différence d’avec le roman qu’il adapte. Car, lorsque le duo de travail et couple dans la vie, John Halas et Joy Batchelor, décide de réaliser ce qui sera le premier dessin animé long métrage britannique, destiné, comme son original littéraire, à un public adulte, la dénonciation du capitalisme et le fait que celui-ci n’hésite pas un instant à s’entendre avec les dirigeants du communisme soviétique pour peu qu’il puisse en tirer des bénéfices, est totalement absent. Et cet aspect essentiel de l’œuvre de George Orwell n’est pas innocemment absent car, si, John Halas a assuré que, pour sa part, il avait préféré retirer cette critique qui se trouve majoritairement dans la dernière partie du roman uniquement afin de rendre son film animé accessible au jeune public, le fait est que, plusieurs années après la sortie du long métrage, en 1954, sera su que c’est la CIA qui, utilisant le producteur états-unien, déjà auréolé de succès en télévision, Louis de Rochemont, comme « paravent » (le film, bien que scénarisé et réalisé par des anglais et en Angleterre, était une production états-unienne puisque la veuve de George Orwell avait donné son accord pour l’adaptation de l’œuvre au très influent producteur hollywoodien Howard Hunt et que la décision du lieu de réalisation de ce premier dessin animé destiné au adultes, de toute l’Histoire du cinéma, fut la Grande-Bretagne que pour réduire les coups de production), finança cette adaptation de « La ferme des animaux » à unique but de propagande anti communiste (ce qui explique le recit « binaire » du gentil parfaitement pur et du méchant n’ayant pas la moindre qualité) dans le cadre de son opération « Mockingbirg » (« Oiseau moqueur » en français – opération destinée à influencer les médias et les syndicats états-uniens mais aussi de tout le « bloc otanien », débutée en 1948 et dont l’existence fut dévoilée par la commission Church en 1975 mais le journaliste allemande, Udo Ulfkotte, a démontré, en 2014, que cette opération de la CIA existait toujours), alors que la dictature politique qu’était le Maccarthysme régnait aux EUA, faisant que, ironiquement, ce roman que George Orwell avait écrit pour dénoncer, en premier lieu le stalinisme mais, plus généralement tout totalitarisme (il y a, également, des références au régime nazi du III Reich allemand d’Hitler) servit la propagande d’un autre totalitarisme… et du capitalisme qu’il dénonçait également.
Reste que, malgré ces intentions propagandistes fort loin d’être louables, cette version animée de « La ferme des animaux » est, non seulement techniquement très réussi mais aussi très agréable à regarder pour le jeune (et le moins jeune) public d’hier ainsi que d’aujourd’hui. Techniquement, il a de quoi avoir toujours de l’intérêt car il faut dire que c’est un travail titanesque que réalisèrent, en deux ans, John Halas, son épouse Joy Batchelor, et leur équipe de plus de soixante-dix collaborateurs. Rien que quelques chiffres suffisent pour le constater : 80 personnes travaillant sur ce film composé de 750 scènes évoluant sur 1 000 fonds en couleur et de 300 000 dessins élaborés à partir de 1 800 dessins de base. La production s’achèvera en avril 1954 avec un total de plus de 300 000 heures de travail. En ce qui concerne le graphisme du film, si l’on peut le trouver un peu « vieillot » comparé à ce qui se fait à présent (il s’agit, tout de même d’une réalisation d’il y a soixante-dix ans passés), on ne se trouve pas avec de grosses différences des productions Disney de l’époque. Le dessin est magnifiquement lisse et parfaitement harmonieux. L’animation offre même de splendides plans, y compris des contre-jours de très grande qualité et les auteurs ont même pensé à donner une teinte générale lumineuse lorsque les animaux sont heureux et, à l’inverse, sombre lorsque les événements le sont également pour eux.
Prévu pour un public âgé d’à partir de 9-10 ans, cette version animée de « La ferme des animaux » méritent bien toujours d’être (re)découverte à notre époque, y compris par les adultes, d’autant que son thème principal et la façon dont il est traité (les méfaits du totalitarisme et la vigilance qu’il faut toujours garder afin de l’éviter) sera, lui, éternellement d’actualité.
Christian Estevez