Madagascar : présient exfiltré par la France, armée qui rejoint les mutins, 22 morts dans les manifestations – ce qui se passe sur la grande île

La tension atteint son paroxysme à Madagascar. Dimanche 12 octobre 2025, le président Andry Rajoelina a été exfiltré à bord d’un avion militaire français, selon plusieurs sources concordantes. L’opération, menée en coordination avec Paris, aurait été décidée d’un commun accord entre Emmanuel Macron et son homologue malgache, alors que la contestation prenait des proportions inédites dans le pays.

Cette exfiltration, perçue par une partie de l’opinion comme une ingérence étrangère, a immédiatement fait réagir la classe politique et la population. À Paris, les autorités françaises ont tenu à préciser qu’elles « n’interviennent pas dans la crise interne malgache » et qu’elles souhaitent uniquement « préserver l’ordre constitutionnel ». Emmanuel Macron a lui-même déclaré qu’il était « très important que l’ordre constitutionnel soit préservé » et qu’« aucune puissance étrangère ne cherche à récupérer le mouvement ».

Une révolte populaire devenue crise politique majeure

Tout a commencé le 25 septembre, lorsqu’un collectif de jeunes baptisé Gen Z a appelé à manifester contre la mauvaise gouvernance et les coupures incessantes d’eau et d’électricité. Très vite, la colère s’est étendue à tout le pays, transformant un mouvement social en une contestation politique massive visant directement le président Rajoelina, accusé d’avoir trahi ses promesses et de gouverner sans transparence.

Les coupures récurrentes d’eau et d’électricité, dues à la vétusté des infrastructures et à la baisse du niveau des barrages hydroélectriques, ont aggravé le mécontentement. Dans les grandes villes, les délestages sont devenus quotidiens, plongeant la population dans le désarroi.

Lors des premières manifestations, quatre personnes ont trouvé la mort, et de nombreux commerces ont été pillés sous le regard impuissant des forces de l’ordre. Malgré la dissolution du gouvernement le 29 septembre et la promesse de ne pas briguer de troisième mandat, Andry Rajoelina n’a pas réussi à apaiser la colère populaire.

L’armée bascule du côté des mutins

Le tournant décisif est intervenu le 11 octobre. Le CAPSAT — le Corps d’administration des personnels et des services de l’armée de terre — s’est mutiné, rejoignant les manifestants qu’il a promis de « protéger contre la répression ». Cette même unité avait déjà joué un rôle central dans le coup d’État de 2009 qui avait porté Rajoelina au pouvoir.

Le lendemain, les officiers du CAPSAT ont annoncé dans une vidéo que toutes les branches de l’armée malgache — terrestre, aérienne et navale — reconnaissaient désormais leur commandement, plaçant le général Démosthène Pikulas à la tête de l’état-major. Sur la célèbre place du 13 mai, à Antananarivo, haut lieu de toutes les révolutions malgaches, des milliers de manifestants se sont rassemblés, acclamant le retour de l’ancien président Marc Ravalomanana.

« Notre objectif n’est pas de prendre le pouvoir, mais de défendre le peuple et la Constitution », a tenu à préciser le colonel Michael Randrianirina, l’un des meneurs de la mutinerie.

Un président isolé, un pays en suspens

Depuis vendredi, Andry Rajoelina n’avait plus fait d’apparition publique. Ses proches, dont l’ex-Premier ministre Christian Ntsay et l’homme d’affaires Mamy Ravatomanga, ont quitté le pays pour l’île Maurice. Lundi soir, dans un discours diffusé uniquement sur les réseaux sociaux, le président a affirmé se trouver dans un « lieu sûr » après une « tentative de meurtre », tout en rejetant les appels à la démission. « Je ne fuirai pas mes responsabilités. Je demande à tous de respecter la Constitution », a-t-il déclaré.

Mais la situation sur l’île reste explosive. Selon un bilan provisoire, 22 personnes ont été tuées depuis le début des affrontements, un chiffre que la présidence conteste, évoquant « une dizaine de morts », principalement des « casseurs ».

Face à l’instabilité, Air France a suspendu toutes ses liaisons entre Paris et Antananarivo. La communauté internationale, encore marquée par le précédent coup d’État de 2009, appelle au calme et à un dialogue national inclusif.

À Antananarivo, les habitants oscillent entre peur et espoir. Tandis que le CAPSAT promet de « rendre le pouvoir au peuple », le président Rajoelina, désormais retranché et isolé, tente de sauver ce qu’il reste d’un régime vacillant. Madagascar, plus que jamais, se trouve à la croisée des chemins entre chaos et renouveau démocratique.

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