Qui est le colonel Michaël Randrianirina, nouveau président de Madagascar ?

Le colonel Michaël Randrianirina a été investi, vendredi 17 octobre, président de Madagascar, à la suite de la prise de pouvoir par l’armée après trois semaines de violentes manifestations contre l’ancien chef de l’État, Andry Rajoelina, désormais en fuite à l’étranger. Ce militaire de 51 ans, jusqu’alors chef du Capsat, une unité de l’armée malgache, est devenu en quelques jours le nouveau visage d’une transition politique marquée par la colère de la jeunesse.

Un militaire devenu symbole du changement

Le colonel Randrianirina, à la tête du Capsat, a prêté serment lors d’une cérémonie officielle à la Haute Cour constitutionnelle d’Antananarivo, en présence d’officiers de l’armée, de représentants politiques, de membres du mouvement Gen Z, et de délégations étrangères venues notamment des États-Unis, de l’Union européenne, de la Russie et de la France, ancienne puissance coloniale.

« Le jour d’aujourd’hui marque un tournant historique pour notre pays », a-t-il déclaré dans son discours d’investiture.
« Avec un peuple mû par la volonté du changement et l’amour profond de sa patrie, nous ouvrons un nouveau chapitre de la vie nationale. »

Randrianirina a promis de « travailler main dans la main avec toutes les forces vives de la nation » pour élaborer une nouvelle Constitution et de nouveaux textes électoraux en vue de futures élections. Il a également remercié la jeunesse malgache, notamment les militants de Gen Z, pour leur rôle dans la chute du régime précédent.

Un passé d’opposant au régime Rajoelina

Originaire de la région de l’Androy, dans le sud du pays, le colonel Michaël Randrianirina n’est pas un inconnu sur la scène politique malgache. Ancien gouverneur de sa région natale entre 2016 et 2018, il s’était déjà opposé ouvertement à la gestion du pouvoir par Andry Rajoelina.

En novembre 2023, il avait été arrêté et accusé d’avoir fomenté un coup d’État, peu avant les élections présidentielles controversées qui avaient reconduit Rajoelina. Placé en résidence surveillée et détenu un temps dans un hôpital militaire, il avait finalement été condamné à un an de prison avec sursis pour « atteinte à la sûreté de l’État ».
Libéré en février 2024, il avait repris sa vie discrètement :

« Je travaillais dans ma maison, je cuisinais, je jouais au foot », a-t-il confié à l’AFP.

Son image d’homme de foi, issu de l’Église luthérienne, et sa posture courageuse face au pouvoir ont peu à peu renforcé sa popularité.

« Dans ce contexte, l’armée a été perçue comme le dernier rempart contre la violence », explique la chercheuse Velomahanina Razakamaharavo, qui voit en lui un symbole d’ordre et de refondation.

Un président de transition, pas un putschiste ?

Depuis la prise de pouvoir du Capsat, Michaël Randrianirina rejette le terme de “coup d’État”, préférant parler d’un “acte de refondation nationale”.

« Un coup d’État, c’est quand les soldats tirent, quand il y a du sang. Ce n’est pas un coup d’État », a-t-il affirmé, insistant sur la dimension pacifique du mouvement militaire.

Pourtant, la communauté internationale ne partage pas cette lecture.
L’ONU a dénoncé un « changement inconstitutionnel de pouvoir », tandis que l’Union africaine a suspendu Madagascar de ses instances.

Le colonel, désormais surnommé “le président de la refondation”, a annoncé la dissolution de toutes les institutions, à l’exception de l’Assemblée nationale. Un comité militaire et un gouvernement de transition dirigeront le pays pendant une période de deux ans, avant la tenue de nouvelles élections dans un délai de 18 à 24 mois.

Un tournant historique pour Madagascar

Sous tension depuis des semaines, la Grande Île a connu 22 morts et une centaine de blessés, selon l’ONU, lors des manifestations ayant conduit à la chute du régime Rajoelina.
Dans ce contexte instable, le colonel Randrianirina incarne pour beaucoup l’espoir d’un renouveau politique et moral, mais son défi sera immense : rétablir la stabilité, organiser la transition démocratique, et surtout, gagner la confiance d’une population épuisée par des décennies de crises récurrentes.

« Nous nous engageons à une rupture avec le passé », a-t-il conclu.
« Notre mission principale est de réformer en profondeur les systèmes administratifs, socio-économiques et politiques du pays. »

Un message porteur d’espoir, mais dont la mise en œuvre sera scrutée de près, tant par la population malgache que par la communauté internationale.

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