La Guinée-Bissau traverse une nouvelle crise politique après le renversement du président Umaro Sissoco Embaló, mercredi 26 novembre, par des militaires qui ont également suspendu les élections présidentielle et législatives du 23 novembre, dont les résultats devaient être annoncés prochainement.
Jeudi, la junte au pouvoir a nommé le général Horta N’Tam président de transition. Jusqu’ici chef d’état-major de l’armée de terre, N’Tam avait été considéré comme proche du président Embaló ces dernières années. « La Guinée-Bissau traverse une période très difficile de son histoire. Les mesures qui s’imposent sont urgentes et importantes et requièrent la participation de tout le monde », a déclaré le général après avoir prêté serment au siège de l’état-major.
Les militaires ont justifié le putsch par la nécessité de garantir la sécurité nationale et de rétablir l’ordre, évoquant la découverte par les services de renseignements d’un « plan visant à déstabiliser le pays avec l’implication des barons nationaux de la drogue ». Le HCM (Haut Commandement militaire) a interdit toute manifestation, marche ou grève pouvant perturber la stabilité, tout en levant le couvre-feu nocturne et en ordonnant la réouverture immédiate des écoles, marchés et institutions privées. Les frontières, fermées depuis mercredi, ont également été rouvertes.
Le président destitué, initialement arrêté par les militaires, a été exfiltré vers le Sénégal « sain et sauf » dans un vol affrété par le gouvernement sénégalais. Dakar a affirmé être en communication avec l’ensemble des acteurs bissau-guinéens pour négocier la libération des autres personnalités arrêtées et faciliter le rapatriement des missions d’observation électorale.
La capitale, Bissau, est restée paralysée jeudi, avec une forte présence militaire et des rues désertes. Des tirs nourris avaient provoqué la panique lors du déclenchement du putsch, et le palais présidentiel était quadrillé par les forces armées.
La scène internationale a réagi vivement : le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a dénoncé « une violation inacceptable des principes démocratiques » et appelé à « la restauration immédiate et inconditionnelle de l’ordre constitutionnel ». De son côté, la Cédéao a suspendu la Guinée-Bissau de tous ses organes décisionnels et lancé une mission de médiation pour rétablir l’ordre constitutionnel.
Ce coup d’État s’inscrit dans un contexte de fragilité chronique. La Guinée-Bissau, pays lusophone de 2,2 millions d’habitants situé entre le Sénégal et la Guinée, a déjà connu quatre coups d’État et de nombreuses tentatives depuis son indépendance du Portugal en 1974. Les élections y ont souvent été sources de tensions, et le pays reste affecté par la corruption et le trafic de drogue, étant réputé comme une plaque tournante entre l’Amérique du Sud et l’Europe.
Par ailleurs, le candidat d’opposition Fernando Dias a revendiqué sa victoire à la présidentielle et accusé le président Embaló d’avoir orchestré le coup d’État pour bloquer son accession au pouvoir. Le principal opposant Domingos Simoes Pereira, dirigeant du PAIGC, a également été arrêté mercredi.