La tension monte entre Washington et Bruxelles sur la régulation du numérique. Les États-Unis ont annoncé mardi des sanctions visant cinq personnalités européennes engagées en faveur d’une stricte régulation des grandes plateformes technologiques. Parmi elles figure l’ancien commissaire européen français Thierry Breton, désormais interdit de séjour sur le sol américain. L’administration Trump justifie cette décision en dénonçant des pratiques assimilées à de la « censure » portant atteinte aux intérêts américains.
Washington dénonce une « censure extraterritoriale »
Le département d’État américain estime que ces responsables européens ont mené des actions coordonnées visant à contraindre les plateformes américaines à restreindre certaines opinions. Le secrétaire d’État Marco Rubio a accusé, sur le réseau social X, des « idéologues européens » de chercher à imposer leurs vues aux entreprises technologiques américaines.
« L’administration Trump ne tolérera plus ces actes flagrants de censure extraterritoriale », a-t-il affirmé, présentant ces sanctions comme une mesure de défense de la liberté d’expression et des intérêts des États-Unis.
Thierry Breton dénonce un « vent de maccarthysme »
Thierry Breton a rapidement réagi, dénonçant ce qu’il qualifie de dérive idéologique. Dans deux messages publiés en français et en anglais sur X, l’ancien commissaire européen s’est interrogé : « Un vent de maccarthysme souffle-t-il à nouveau ? », en référence à la chasse aux sorcières anticommuniste menée aux États-Unis dans les années 1950.
Il a rappelé que le règlement européen sur les services numériques (DSA) avait été adopté démocratiquement : « 90 % du Parlement européen et les 27 États membres à l’unanimité ont voté le DSA », a-t-il souligné, avant de conclure à l’adresse de Washington : « La censure n’est pas là où vous le pensez. »
Paris monte au créneau
La France a immédiatement réagi. Le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot a déclaré que Paris « dénonce avec la plus grande fermeté » les sanctions visant Thierry Breton. Il a tenu à rappeler que le DSA « n’a absolument aucune portée extraterritoriale et ne concerne en aucun cas les États-Unis ».
Selon le chef de la diplomatie française, ce texte vise uniquement à faire en sorte que « ce qui est illégal hors ligne le soit aussi en ligne », dans le cadre du marché européen, et relève d’un choix souverain et démocratique de l’Union européenne.
Une offensive américaine contre la régulation européenne
Outre Thierry Breton, quatre autres personnalités européennes sont concernées par ces interdictions de séjour. Il s’agit de figures issues d’organisations non gouvernementales engagées dans la lutte contre la désinformation et les discours de haine en ligne : Imran Ahmed, Clare Melford, Anna-Lena von Hodenberg, fondatrice de l’ONG allemande HateAid, ainsi que Josephine Ballon, également membre de cette association.
Ces sanctions s’inscrivent dans une offensive plus large de Donald Trump contre les règles européennes encadrant le numérique. Le président américain conteste notamment les obligations imposées aux plateformes en matière de modération et de signalement de contenus, qu’il considère comme une atteinte à la liberté d’expression.
L’UE face à un bras de fer transatlantique
L’Union européenne dispose aujourd’hui de l’un des cadres juridiques les plus stricts et les plus puissants au monde pour réguler le numérique, avec le DSA et le DMA (Digital Markets Act). Ces textes constituent un pilier central de la stratégie européenne face aux géants de la tech, majoritairement américains.
La décision de Washington marque une nouvelle étape dans le bras de fer transatlantique sur la gouvernance d’internet et la régulation des plateformes, avec des implications diplomatiques qui pourraient durablement affecter les relations entre les États-Unis et l’Union européenne.