Un rapport parlementaire dévoilé en mars 2024 a révélé une hausse significative des désertions au sein de l’armée de Terre, particulièrement marquée depuis 2022. Ce constat, préoccupant pour le ministère des Armées, survient alors que le gouvernement a récemment mis en place le plan Fidélisation 360, une initiative visant à améliorer les conditions de travail et de vie des militaires, dans l’espoir de renverser cette tendance.
Le plan Fidélisation 360 a pour objectif de répondre aux besoins des militaires ainsi qu’au personnel civil de la Défense en adoptant une approche locale et incrémentale. Lors d’une visite à Tours le 26 mars, Sébastien Lecornu, ministre des Armées, a présenté les premiers résultats du plan. Il s’est félicité d’une inversion de la tendance, soulignant que pour la première fois depuis quatre ans, les effectifs militaires avaient augmenté, notamment grâce à une réduction des départs. Toutefois, cette évolution n’a pas suffi à endiguer la hausse des désertions, qui reste préoccupante.
Le rapport parlementaire, rédigé par les députés Caroline Colombier (RN) et Loïc Kervran (Horizons), met en évidence une explosion des désertions depuis 2022, avec un pic de 1 485 déserteurs cette année-là, bien supérieur aux chiffres des années précédentes. Bien que ce chiffre soit légèrement redescendu à 1 253 en 2023, il reste bien au-dessus de la moyenne annuelle d’avant 2022. Un phénomène qui semble surtout concerner l’Armée de Terre, tandis que la Marine nationale et l’Armée de l’Air ne connaissent que quelques dizaines de cas par an.
Les raisons de cette hausse sont multiples. Le rapport souligne que la guerre en Ukraine a joué un rôle significatif, notamment au sein de la Légion étrangère, où 85 légionnaires d’origine ukrainienne ont déserté pour rejoindre leur pays d’origine, représentant environ 20 % de la hausse des désertions en 2022. De plus, la sortie de la crise de la Covid-19 a provoqué un « effet de rattrapage », avec un nombre accru de départs retardés. La période de plein emploi en France, offrant davantage de possibilités professionnelles, a également contribué à cette dynamique.
En dépit des sanctions sévères prévues par le Code de la justice militaire, qui peuvent aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement en temps de paix, la justice semble faire preuve de clémence envers les déserteurs. Le rapport note que les peines prononcées sont souvent assorties de sursis ou de classements sans suite, ce qui réduit l’effet dissuasif des sanctions. Cela est particulièrement vrai pour la section AC3 du Parquet de Paris, spécialisée dans les affaires militaires, qui classe systématiquement ces affaires sans poursuites.
Par ailleurs, le rapport pointe des causes plus profondes derrière ce phénomène. Les députés évoquent une « inadaptation à la vie militaire », soulignant que certains soldats trouvent difficile d’accepter les contraintes et singularités de cette carrière. L’immaturité et la versatilité des jeunes recrues, souvent peu préparées à l’engagement, sont également citées comme des facteurs d’explication. Ces éléments montrent qu’une réflexion plus fine sur les raisons des désertions s’avère nécessaire.
Pour répondre à cette crise, des mesures ont été mises en place, telles que des alternatives à la désertion, comme des ajustements de contrat ou des réorientations professionnelles pour les militaires. Ces initiatives visent à mieux répondre aux aspirations des soldats et à limiter le recours à la désertion. Toutefois, les rapporteurs recommandent également un travail approfondi pour comprendre les causes profondes de cette crise et mieux cibler les profils de recrues susceptibles de quitter l’institution.
Loïc Kervran a souligné la nécessité d’adapter l’armée à des profils plus variés. Selon lui, il est crucial de mieux comprendre les raisons des désertions, qu’elles soient liées à un manque d’adaptation des armées ou à des attentes non satisfaites des militaires.
Ainsi, bien que le gouvernement prenne des mesures pour fidéliser ses troupes, la question de la désertion reste un défi majeur, et le ministère des Armées devra approfondir sa réflexion pour enrayer ce phénomène préoccupant.