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L’ère post-réseaux sociaux : l’essor des intelligences artificielles conversationnelles et ses implications

Les grandes plateformes sociales traditionnelles connaissent un ralentissement de leur fréquentation et une saturation de leurs modèles économiques. Dans le même temps, les intelligences artificielles conversationnelles se développent rapidement, proposant des interactions personnalisées qui modifient déjà les pratiques numériques et la manière dont les individus communiquent et appréhendent la socialisation.

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Depuis plusieurs années, l’usage des plateformes telles que Facebook, Instagram, X ou Snapchat montre des signes de stagnation, avec une diminution de l’engagement et de la participation active. Ce phénomène résulte de la fatigue des utilisateurs, de la multiplication des contenus publicitaires et de la nature même des modèles économiques basés sur la collecte et l’exploitation des données personnelles. L’expérience offerte par ces plateformes ne répond plus de manière satisfaisante aux besoins sociaux et cognitifs des utilisateurs, tandis que les effets négatifs : polarisation de l’opinion, pression sociale et dépendance à l’attention deviennent plus visibles.

Parallèlement, les intelligences artificielles conversationnelles se positionnent comme de nouveaux acteurs majeurs du numérique. Les chatbots avancés et les assistants conversationnels offrent désormais la possibilité de tenir des échanges complexes, de s’adapter aux préférences et aux émotions des utilisateurs, et de fournir un accompagnement personnalisé. Ces outils, conçus pour compléter ou prolonger l’expérience sociale numérique, créent une forme de médiation artificielle dans les interactions humaines.

Cette transition technologique présente des avantages tangibles. Les intelligences artificielles conversationnelles peuvent apporter un soutien à des individus isolés, faciliter l’accès à des informations ou services personnalisés et permettre un accompagnement dans des contextes éducatifs ou professionnels. Cependant, les risques sont également importants. L’usage intensif de ces systèmes peut réduire la qualité des interactions humaines réelles, contribuer à l’isolement social et renforcer une dépendance aux dispositifs numériques. Les algorithmes, par nature propriétaires et opaques, soulèvent des questions sur la protection des données, la manipulation des comportements et la préservation de la liberté individuelle.

L’émergence de cette ère post-réseaux sociaux modifie profondément la structure des interactions numériques. Les plateformes traditionnelles avaient déjà transformé l’accès à l’information et les échanges sociaux ; les intelligences artificielles conversationnelles introduisent désormais une médiation directe, pouvant remplacer certaines relations humaines par des interactions artificielles. Cette évolution pose des enjeux majeurs pour la cohésion sociale, l’éducation, la santé mentale et la dynamique des échanges professionnels.

L’évolution future dépendra de la régulation, de l’éthique et de l’acceptation sociale. La législation devra encadrer l’usage de ces technologies et garantir la transparence des algorithmes, tandis que les concepteurs devront assumer la responsabilité de leurs outils face aux risques de dépendance et d’isolement. Enfin, la manière dont ces dispositifs seront intégrés dans le quotidien déterminera s’ils compléteront ou substitueront les interactions humaines traditionnelles.

Observer et analyser ces transformations avec rigueur est essentiel. La transition vers les intelligences artificielles conversationnelles n’est pas un simple changement technique : elle constitue un tournant sociétal, susceptible de redéfinir la communication, la socialisation et l’organisation des interactions humaines dans le monde numérique.

Celine Dou

TikTok, réseaux sociaux et jeunesse : les dangers invisibles révélés par la mort tragique de Renna O’Rourke

Le décès récent de Renna O’Rourke, une jeune états-unienne de 19 ans, provoqué par un défi viral dangereux sur TikTok, jette une lumière crue sur les risques liés à la popularité croissante des réseaux sociaux. Cette tragédie invite à une réflexion approfondie sur l’impact des plateformes numériques sur la santé et le comportement des jeunes, ainsi que sur les enjeux sociétaux, réglementaires et géopolitiques qui en découlent.

Renna O’Rourke est décédée après avoir participé à un défi sur TikTok, appelé « dusting ». Ce challenge consiste à inhaler des gaz contenus dans des bombes aérosols, notamment du difluorométhane ou d’autres hydrocarbures utilisés pour nettoyer les claviers d’ordinateurs. Cette pratique est hautement toxique, provoquant une privation d’oxygène, des troubles cardiaques et des lésions cérébrales. Ce défi, bien que strictement dangereux et illégal, s’est propagé via des vidéos courtes, très populaires sur TikTok.

Les services de santé et de police aux États-Unis d’Amérique ont multiplié les alertes après plusieurs cas graves, notamment chez des adolescents, dont certains ont perdu la vie. Ce phénomène illustre la rapidité avec laquelle des comportements à haut risque peuvent se diffuser au sein de populations vulnérables grâce aux réseaux sociaux.

Depuis son lancement en 2016, TikTok, propriété de l’entreprise chinoise ByteDance, s’est imposé comme l’un des réseaux sociaux les plus influents au monde. Sa particularité réside dans son format de vidéos courtes, dynamiques, et surtout un algorithme puissant qui personnalise le fil d’actualité (« For You »), renforçant l’addiction et la viralité des contenus.

TikTok compte plus d’un milliard d’utilisateurs actifs, avec une audience très jeune les 16-24 ans représentant une part importante. Ce succès s’observe globalement, y compris en Europe, en Afrique, et en Amérique du Nord. Cette diffusion mondiale pose la question de la régulation, car les contenus dangereux ne connaissent pas de frontières.

D’un point de vue géopolitique, la présence chinoise dans une telle plateforme suscite des tensions, notamment entre les États-Unis d’Amérique, l’Union européenne et la Chine, concernant la sécurité des données, la protection des utilisateurs et les règles de modération.

Les réseaux sociaux, au-delà des défis physiques, ont des impacts profonds sur la santé mentale des adolescents. La pression pour obtenir des likes, des vues ou des abonnés alimente souvent anxiété, troubles du sommeil, dépression, voire comportements autodestructeurs.

La viralité des challenges dangereux, encouragée par la quête de reconnaissance, s’inscrit dans un contexte où les jeunes sont particulièrement sensibles aux influences sociales. L’algorithme de TikTok, conçu pour maximiser l’engagement, peut accentuer l’exposition à ces contenus à risque.

En outre, les mécanismes de modération apparaissent insuffisants ou inadaptés face à la rapidité et la diversité des vidéos mises en ligne, compliquant la prévention efficace.

Face à ces dangers, la régulation des réseaux sociaux est devenue un enjeu prioritaire pour les États et les organisations internationales. Plusieurs initiatives ont été lancées, notamment en Europe, avec la proposition de la loi sur les services numériques (Digital Services Act), visant à contraindre les plateformes à plus de transparence et de modération.

Aux États-Unis d’Amérique, le débat est également vif, oscillant entre la protection des libertés d’expression et la nécessité de protéger les mineurs. Par ailleurs, les questions de souveraineté numérique et de contrôle des données compliquent les négociations internationales, particulièrement en présence d’acteurs chinois comme TikTok.

Au-delà de la réglementation, l’éducation joue un rôle fondamental. Former les jeunes à une utilisation responsable du numérique, développer leur esprit critique face aux contenus viraux et les sensibiliser aux risques physiques et psychologiques sont des impératifs.

De nombreuses associations et institutions tentent d’intervenir, mais l’enjeu reste immense, notamment dans les pays en développement où l’accès à l’information sécurisée et la formation sont encore limités.

La mort de Renna O’Rourke est un drame humain qui met en lumière la face cachée d’un phénomène global : la puissance des réseaux sociaux à influencer massivement les comportements, souvent sans encadrement suffisant. TikTok, en tant que plateforme incontournable, illustre à la fois les opportunités et les risques du numérique dans un monde globalisé.

Cet épisode tragique souligne l’urgence d’une action coordonnée, entre régulation internationale, responsabilisation des plateformes et éducation numérique. Protéger la jeunesse nécessite une compréhension fine et rigoureuse de ces enjeux, loin des discours simplistes et idéologiques, pour construire un avenir numérique plus sûr et plus humain.

Le Royaume-Uni envisage un couvre-feu numérique pour les adolescents : vers une régulation plus stricte des usages en ligne

Santé mentale, temps d’écran, et protection de la jeunesse : une initiative britannique qui interroge les démocraties numériques contemporaines.

Le Royaume-Uni pourrait franchir un nouveau cap dans la régulation numérique : le gouvernement réfléchit à l’instauration d’un couvre-feu numérique pour les adolescents. L’objectif affiché est de limiter l’exposition des mineurs aux écrans durant la nuit, afin de préserver leur santé mentale et de répondre à des inquiétudes croissantes sur les effets délétères des réseaux sociaux. Si cette mesure venait à entrer en vigueur, elle placerait le pays parmi les pionniers d’une régulation active de l’attention numérique des jeunes dans les démocraties libérales.

Cette annonce s’inscrit dans le sillage de l’Online Safety Act, entrée en vigueur au Royaume-Uni à l’été 2025, qui impose déjà aux plateformes des contrôles d’âge renforcés et une modération accrue des contenus destinés aux mineurs. Le secrétaire d’État au numérique, Peter Kyle, entend aller plus loin : des restrictions horaires, notamment après 22h, pourraient être imposées aux adolescents sur les plateformes sociales. L’idée d’un « couvre-feu numérique » fait écho à une régulation déjà expérimentée, comme celle de TikTok, qui limite l’utilisation de ses services pour les moins de 16 ans en soirée.

La démarche s’appuie sur des constats préoccupants : selon les données publiées récemment par la presse britannique, certains enfants passeraient jusqu’à 8 heures par jour devant un écran, un chiffre en forte hausse par rapport à la moyenne de 12,5 heures par semaine en 2014. Ce phénomène s’est accentué avec le télétravail des parents, les écrans devenant un « substitut de présence » après l’école.

Une étude du British Standards Institution révèle que près de la moitié des jeunes de 16 à 21 ans préféreraient un monde sans Internet. Plus frappant encore, 70 % déclarent se sentir moins bien après avoir utilisé les réseaux sociaux. À l’heure où les troubles anxieux et dépressifs sont en nette augmentation chez les adolescents dans les pays industrialisés, ces chiffres résonnent comme un avertissement.

Un soutien notable émerge parmi les jeunes eux-mêmes : 50 % d’entre eux seraient favorables à un couvre-feu numérique à partir de 22h, preuve d’une lucidité sur les effets addictifs des technologies.

Avec cette proposition, le Royaume-Uni poursuit sa stratégie d’encadrement de l’environnement numérique, en rupture progressive avec l’idéologie d’autorégulation qui a prévalu dans les années 2010. Le régulateur britannique Ofcom prépare d’ailleurs un corpus réglementaire qui se veut plus strict encore que celui en vigueur dans l’Union européenne, notamment concernant l’interdiction des algorithmes de recommandation ciblés pour les mineurs.

Derrière ces mesures se dessine un enjeu plus large : celui de la souveraineté numérique des États face à des plateformes transnationales, dont les intérêts commerciaux entrent en collision avec la protection des publics vulnérables. Ce mouvement réglementaire n’est pas isolé. En France, plusieurs députés ont appelé à des initiatives similaires, tandis que la Californie a récemment renforcé son California Age-Appropriate Design Code Act.

Toutefois, l’idée d’un couvre-feu numérique ne fait pas l’unanimité. Les critiques s’inquiètent d’un glissement vers une société de surveillance numérique et d’une délégation excessive du rôle éducatif à l’État, là où l’éducation parentale et scolaire devrait primer. D’autres voix pointent le risque de fracture sociale : comment garantir une application équitable de telles restrictions, dans un contexte où les outils de contrôle numérique sont inégalement accessibles ?

Au fond, cette initiative relance une interrogation essentielle : quel modèle de société numérique voulons-nous construire ? Le Royaume-Uni propose ici une approche volontariste, mêlant régulation étatique, responsabilisation des plateformes, et implication des familles. Une tentative de tracer une ligne de crête entre liberté d’expression, protection de l’enfance, et démocratie numérique.

À l’heure où les jeunes générations grandissent immergées dans un monde connecté, la question du temps d’écran ne saurait se réduire à une affaire domestique. Elle touche à la fabrique même du lien social, du rapport au réel et de la citoyenneté numérique. En cela, le débat britannique dépasse largement les frontières de l’île et interpelle l’ensemble des démocraties modernes.