Archives du mot-clé #RecoursClimatique

France | Recours climatique : quand les citoyens rappellent l’État à ses responsabilités

Pluies torrentielles, forêts en flammes, sécheresses à répétition : sur tout le territoire français, les catastrophes liées au dérèglement climatique s’enchaînent. Face à ce qu’ils considèrent comme une défaillance grave de l’État, des citoyens sinistrés et plusieurs organisations ont saisi le Conseil d’État ce 25 juin. Leur objectif : contraindre le gouvernement à agir vite, fort, et de façon concrète.

Le recours déposé par une coalition d’associations environnementales et de victimes de catastrophes naturelles n’est pas seulement symbolique. Il vise à faire reconnaître une carence réelle de l’État français en matière d’adaptation au changement climatique.

Car si l’on parle beaucoup de neutralité carbone, les politiques concrètes de protection des populations, elles, avancent à pas lents. Zones inondables toujours urbanisées, habitants laissés sans relogement après des coulées de boue, services d’urgence débordés par les canicules : pour les requérants, le pays n’est pas préparé ou ne veut pas l’être.

Au cœur de la plainte : le non-respect des engagements inscrits dans la stratégie nationale d’adaptation, censée structurer la réponse de l’État face aux risques climatiques majeurs. Sécheresses, incendies, submersions marines, pénuries d’eau potable : tous ces phénomènes, autrefois qualifiés d’« exceptionnels », sont désormais récurrents.

Mais sur le terrain, les habitants ne voient ni plans de prévention réellement appliqués, ni accompagnement durable. Pour beaucoup, les mêmes erreurs se répètent d’année en année, aggravées par l’urbanisation incontrôlée, la sous-dotation des collectivités locales et l’absence de coordination nationale.

Ce recours n’est pas parisien, ni abstrait. Il vient de citoyens frappés dans leur chair : habitants du Pas-de-Calais noyés par les crues, riverains de la Loire en alerte permanente, agriculteurs en ruine dans le sud-ouest. Derrière les termes juridiques, il y a des visages, des histoires, des foyers détruits.

Et un constat partagé : la vulnérabilité au climat dépend aussi du niveau de vie, du lieu de résidence, du statut social. Ce que réclament les plaignants, c’est donc une adaptation juste, pensée à l’échelle des territoires et des personnes.

Ce n’est pas la première fois que l’État est poursuivi sur la question climatique. L’Affaire du Siècle, en 2021, avait déjà mis en lumière le manque de cohérence entre discours et actes. Mais cette fois, il ne s’agit pas seulement d’émissions de CO₂, mais de la capacité de l’État à protéger ses citoyens des effets visibles et actuels du dérèglement.

Le Conseil d’État, plus haute juridiction administrative du pays, est donc appelé à jouer un rôle inédit : non pas sanctionner un choix politique, mais rappeler que l’adaptation au climat relève du devoir de protection inscrit dans le droit français.

Trop longtemps, l’adaptation a été traitée comme un enjeu secondaire, presque défensif. Pourtant, pour les millions de Français vivant en zones à risques littoral, plaines inondables, territoires ruraux fragilisés, elle est devenue une question de survie.

Ce que souligne ce recours, c’est l’absence d’une vision d’ensemble : manque de relocalisation des logements, retard sur les infrastructures résilientes, sous-financement des agences de bassin, recul de l’ingénierie territoriale. Autant de signaux d’alerte qu’aucun gouvernement n’a réellement pris au sérieux.

En portant l’affaire devant le Conseil d’État, ces citoyens rappellent que l’action climatique ne peut plus être laissée aux bons sentiments ni aux promesses électorales. Elle est désormais une exigence démocratique, une question de justice, une obligation régalienne.

Si le juge leur donne raison, ce recours pourrait faire date, et ouvrir une nouvelle ère dans la gouvernance environnementale française : celle où l’inaction climatique ne sera plus seulement un scandale moral, mais une faute de droit.