Archives du mot-clé #Santé

Selena Gomez et les dérives de la chirurgie esthétique : enjeux de santé, société et éthique professionnelle

Lire la suite: Selena Gomez et les dérives de la chirurgie esthétique : enjeux de santé, société et éthique professionnelle

Le visage transformé de Selena Gomez, observé par le public à l’occasion de la sortie de son dernier clip In The Dark, illustre les pressions sociales autour de l’apparence, l’influence de l’idéologie du « jeunisme », ainsi que les questions éthiques et médicales liées à la chirurgie esthétique. Au-delà des critiques sur les réseaux sociaux, ce cas met en lumière des enjeux sociétaux et sanitaires qui dépassent la sphère personnelle de l’artiste.

Selena Gomez, chanteuse et actrice américaine, a récemment fait l’objet de commentaires intenses concernant son apparence faciale. Les internautes ont évoqué un visage « méconnaissable », suspectant des interventions esthétiques excessives. Ces réactions révèlent non seulement les attentes irréalistes imposées aux célébrités, mais elles soulignent également l’absence de compréhension du rôle des traitements médicaux dans l’évolution physique de l’artiste, notamment en lien avec le lupus, maladie auto-immune chronique qu’elle a publiquement déclarée.

Le lupus et ses traitements : impacts physiques et malentendus sociaux

Le lupus systémique est une maladie auto-immune qui affecte différents organes et entraîne fréquemment des manifestations visibles, telles que des gonflements du visage (moon face) liés à la prise de corticoïdes. Ces traitements, essentiels pour limiter l’inflammation et prévenir les complications, modifient la morphologie faciale et peuvent être interprétés à tort comme des effets de chirurgie esthétique.

Cette méconnaissance médicale est révélatrice d’une tendance sociale plus large : la propension à juger l’apparence corporelle sans contextualisation scientifique. Dans le cas de Selena Gomez, les critiques se focalisent sur des transformations naturelles et médicalement nécessaires, confondant santé et esthétique.

Pression sociale et idéologie du « jeunisme »

Au-delà des aspects médicaux, le phénomène observé autour de Selena Gomez illustre l’idéologie du « jeunisme », qui valorise la jeunesse et la conformité aux standards contemporains de beauté. Cette pression sociale pousse certaines personnes à recourir à des interventions esthétiques pour se conformer à des normes de l’époque, au détriment de leur santé et de leur bien-être psychologique.

Le cas de l’artiste met en lumière l’écart entre l’image médiatique imposée aux célébrités et la réalité biologique, rappelant l’importance de considérer l’âge et les transformations naturelles comme des éléments normaux et acceptables de la vie humaine.

Ethique professionnelle et dérives de la chirurgie esthétique

L’exemple de Selena Gomez soulève également des questions sur la pratique médicale. Certains chirurgiens privilégient des interventions à visée purement esthétique sur des individus en bonne santé, motivés par le gain financier plutôt que par la nécessité réparatrice. Cette orientation remet en cause l’éthique professionnelle dans le secteur de la chirurgie esthétique et illustre le dilemme entre liberté individuelle, pression sociale et responsabilité médicale.

Des études comparatives internationales montrent que la commercialisation de la chirurgie esthétique peut entraîner des excès et des risques sanitaires, accentués par la banalisation des procédures et la culture de l’apparence.

Le débat suscité par le visage de Selena Gomez dépasse le cadre des critiques superficiales sur les réseaux sociaux. Il illustre des enjeux plus larges : l’influence des standards esthétiques, les conséquences médicales et psychologiques des traitements et interventions, et la responsabilité éthique des professionnels de santé. Cette situation invite à une réflexion sur l’acceptation de soi, la valorisation de l’âge et la nécessaire distinction entre choix esthétiques et impératifs médicaux, tout en questionnant la culture contemporaine du « jeunisme ».

Celine Dou

Yeztugo : la révolution silencieuse de la prévention du VIH, entre percée scientifique et inégalités d’accès

Le 18 juin 2025, la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis d’Amérique a approuvé un nouveau traitement préventif contre le VIH : Yeztugo, nom commercial du lenacapavir. Présenté comme une avancée majeure dans la lutte contre le sida, ce médicament injecté seulement deux fois par an affiche une efficacité proche de 100 % dans la prévention des infections. Mais derrière l’enthousiasme scientifique, se dessinent déjà les contours familiers d’un monde médical à deux vitesses.

Développé par le laboratoire états-unien Gilead Sciences, Yeztugo repose sur une molécule innovante, le lenacapavir, qui agit en inhibant la capside du VIH, bloquant ainsi l’entrée du virus dans les cellules. Son mode d’administration une injection sous-cutanée tous les six mois représente une avancée pratique décisive par rapport aux traitements oraux quotidiens de PrEP (Prophylaxie pré-exposition), souvent contraignants en termes d’observance.

Les résultats des essais cliniques sont impressionnants. Lors de l’étude PURPOSE 1 menée en Afrique subsaharienne auprès de femmes cisgenres, aucune infection au VIH n’a été observée parmi les 2134 participantes. Dans une seconde étude, PURPOSE 2, conduite principalement aux États-Unis et en Amérique latine sur des hommes cisgenres et des personnes transgenres, seuls deux cas d’infection ont été recensés sur 2179 participants, soit une efficacité estimée à 99,9 %. De nombreux scientifiques évoquent un « tournant historique », et le prestigieux journal Science a classé le lenacapavir parmi les découvertes de l’année 2024.

L’approbation de Yeztugo aux États-Unis ouvre une nouvelle ère thérapeutique, mais interroge également sur le modèle d’accessibilité mondiale aux innovations médicales. Le prix annoncé pour le traitement est de 28 218 dollars par an. Certes, Gilead s’est engagé à proposer des licences gratuites à des fabricants de génériques dans 120 pays à revenu faible ou intermédiaire, principalement en Afrique et en Asie. Mais ce geste, s’il est notable, ne garantit en rien un accès effectif.

En effet, ces pays devront affronter des défis majeurs : infrastructure sanitaire adaptée, personnel formé, capacité de diagnostic régulier (notamment pour vérifier la séronégativité avant chaque injection, condition impérative à la sécurité du traitement), chaînes de froid, dispositifs de financement… autant d’obstacles qui risquent de ralentir, voire de limiter, l’impact de cette innovation là où elle pourrait être la plus salutaire.

L’introduction de Yeztugo ravive un débat ancien mais toujours brûlant : le droit à la santé est-il subordonné au pouvoir d’achat ? Alors que le VIH continue de faire des ravages, en particulier en Afrique subsaharienne, les technologies les plus efficaces émergent dans les pays riches et peinent à franchir les frontières des inégalités structurelles.

Plus encore, cette nouvelle génération de traitements pourrait rendre plus complexe la recherche vaccinale, car l’efficacité d’un vaccin devient plus difficile à démontrer en comparaison d’un produit déjà quasi infaillible. Cela pose un enjeu stratégique pour les politiques de santé publique à long terme.

L’Afrique, particulièrement touchée par le VIH, devra faire preuve de volontarisme politique, mais aussi de résilience face aux dépendances pharmaceutiques mondiales. La possibilité d’une production générique locale, la mise en place de campagnes de sensibilisation, et l’intégration du lenacapavir dans les programmes nationaux de santé publique seront des marqueurs décisifs.

Plus globalement, cette innovation interroge les institutions internationales telles que le Fonds mondial ou le PEPFAR : seront-elles à la hauteur de l’enjeu pour garantir un accès équitable à Yeztugo ? Ou verrons-nous se rejouer une distribution asymétrique comme lors des débuts des trithérapies ou, plus récemment, des vaccins contre la Covid-19 ?

Yeztugo est, sans doute, une révolution thérapeutique. Mais comme toute révolution, elle ne sera complète que si elle transforme la réalité des plus vulnérables, et pas seulement les pratiques médicales dans les cliniques huppées de San Francisco ou de Paris. Il ne suffit pas d’innover. Encore faut-il partager équitablement les fruits de l’innovation.

Alors que l’Occident célèbre à juste titre ce pas de géant, le reste du monde et particulièrement l’Afrique regarde l’horizon avec espoir, mais aussi lucidité. Une avancée scientifique n’est un progrès humain que lorsqu’elle devient un bien commun, accessible à toutes et tous.