L’ancien commissaire européen au Marché intérieur, Thierry Breton, a été autorisé à rejoindre le conseil consultatif international de Bank of America, à peine cinq mois après avoir quitté son poste à Bruxelles.
Cette reconversion suscite critiques et interrogations sur le respect des règles encadrant les anciennes fonctions des responsables européens.
Un pantouflage controversé mais validé par le comité d’éthique
Depuis 2019, Thierry Breton était chargé des dossiers numériques et industriels au sein de la Commission européenne. Après avoir quitté ses fonctions en septembre 2024, en raison d’un désaccord avec la présidente Ursula von der Leyen, il a rapidement annoncé son intention de rejoindre Bank of America.
Conformément au code de conduite des commissaires européens, qui impose une période de notification de 18 à 24 mois après leur départ, Thierry Breton a informé la Commission de son projet en octobre 2024. Le 15 janvier 2025, le comité d’éthique de la Commission a jugé cette collaboration « compatible » avec les traités européens. Selon son analyse, cette mission, limitée à des réunions consultatives, ne présente pas de conflit d’intérêt avec les fonctions qu’il occupait précédemment.
Les critiques s’élèvent
Malgré ce feu vert, les réactions ne se sont pas fait attendre. L’eurodéputé écologiste allemand Daniel Freund a dénoncé un cas de « pantouflage », soulignant les risques de lobbying déguisé. « La Commission européenne se moque de ses propres règles en matière d’interdiction de lobbying pour les anciens commissaires », a-t-il affirmé.
Face aux accusations, Thierry Breton a défendu son nouveau rôle auprès de l’AFP, précisant qu’il serait « uniquement consultatif » et limité à trois jours de réunion par an, axés sur des discussions économiques et géopolitiques.
Des obligations strictes mais insuffisantes ?
En vertu de l’article 339 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, Thierry Breton reste soumis à des obligations de secret professionnel. Il est interdit de divulguer ou d’utiliser des informations confidentielles obtenues durant son mandat. Une infraction pourrait entraîner des sanctions, voire une suspension de ses nouvelles fonctions.
Cependant, certains experts estiment que ces mesures sont insuffisantes. Pour Alberto Alemanno, professeur de droit européen, le pantouflage « entache la réputation de l’Union européenne et de ses institutions ». Il y voit également un phénomène croissant lié à la jeunesse des personnalités politiques, qui se tournent de plus en plus vers le secteur privé après leur passage dans le public.
Une pratique qui divise
Le débat autour du pantouflage n’est pas nouveau. En France, une étude de 2015 révélait que 75,5 % des énarques issus du corps des inspecteurs généraux des finances avaient rejoint une entreprise publique ou privée au cours de leur carrière. Ce phénomène alimente des tensions sur l’équilibre entre intégrité publique et intérêts privés.
Si Thierry Breton a respecté les règles en vigueur, son cas relance la question de l’efficacité des dispositifs éthiques de l’Union européenne, face à un phénomène qui semble de plus en plus courant.