La nouvelle Constitution tunisienne voulue par le président tunisien Kaïs Saied a été adoptée avec plus de 94% de «oui», selon les résultats officiels préliminaires annoncés, ce mardi 26 juillet, par l’Instance Supérieure Indépendante pour les Élections (ISIE) en Tunisie.
Berceau du Printemps arabe en 2011, la Tunisie va officiellement durcir son régime politique dans les prochaines semaines passant d’un régime parlementaire à un régime hyperprésidentiel.
En effet, près d’un an après la destitution du Premier ministre et la dissolution de l’Assemblée nationale, le peuple tunisien a été appelé lundi à voter une nouvelle Constitution controversée proposée par le chef de l’Etat, Kaïs Saied. Cette dernière lui a donné pleins pouvoirs au risque de mettre en péril la démocratie tunisienne naissante.
Plus de 94% des électeurs qui ont voté lundi en Tunisie ont dit « oui » au projet de nouvelle Constitution, selon les résultats annoncés tard mardi par l’instance électorale devant la presse. Une victoire à une très large majorité des votants, donc mais avec une participation d’environ 30%, selon le chiffre publié mardi.
Un chiffre dénoncé plus tôt dans la journée par la coalition d’opposition Front du Salut National. Le FSN, qui avait appelé au boycott, le juge « amplifié » et voit le signe d’un échec pour Kaïs Saïed. Son dirigeant, Ahmed Nejib Chebbi, appelle le chef de l’Etat à organiser des élections générales anticipées.
Le nouveau texte défait le système parlementaire qui était en vigueur depuis 2014, dans la Constitution élaborée à la suite de la révolution, dans le berceau du printemps arabe.
« La Tunisie est entrée dans une nouvelle phase », a pour sa part déclaré le président tunisien, après le scrutin. Les autorités ont un mois pour proclamer les résultats définitifs du scrutin. La nouvelle Constitution entrera ensuite en vigueur. Puis des élections législatives sont prévues le 17 décembre prochain.
À l’issue des premières estimations, annoncées lundi soir par le cabinet Sigma conseil, des centaines de Tunisiens ont célébré leur victoire «face aux islamistes» sur l’avenue Habib Bourguiba à Tunis, aux côtés de Kaïs Saied, sonnant leurs klaxons et brandissant le drapeau national. Les pro-Constitution ont crié «Kaïs, on se sacrifie pour toi» et «Ennahdha, dégage».
Pour l’ancien ministre de l’Éducation et membre du FSN, Néji Jelloul, les résultats préliminaires ne reflètent pas une vraie adhésion au projet de constitution proposé par le président Kaïs Saied.
«Les Tunisiens ont voté contre Ennahdha, pas pour le projet de Constitution», a-t-il dit, relayé par le média tunisien Kapitalis. «Le gouffre s’est creusé entre les Tunisiens après le référendum, et le peuple est sorti divisé», a-t-il ajouté.
L’Union européenne et les États-Unis s’inquiètent.
A l’étranger, les Etats-Unis d’Amérique a été le premier à réagir. Si la Constitution confère de grands privilèges au président tunisien, Ned Price, porte-parole du département d’Etat états-unien, met en garde contre le risque que la Constitution ne garantisse pas pleinement les droits et libertés en Tunisie : «Les inquiétudes de beaucoup de Tunisiens concernent l’absence d’un processus inclusif et transparent, ainsi que d’un véritable débat public durant la rédaction de la nouvelle Constitution. Nous savons aussi que des inquiétudes concernent les contrepoids affaiblis dans la nouvelle Constitution, ce qui compromet la protection des droits de l’Homme et des libertés fondamentales», s’est-il inquiété sur France 24.
Ce mercredi 27 juillet, l’Union européenne, à travers son Haut Représentant Josep Borell, a insisté sur la nécessité d’un «large consensus par les différentes forces politiques, y compris les parties politiques et la société civile» car cela est «essentiel pour la réussite d’un processus qui préserve les acquis démocratiques et nécessaire pour toutes les réformes politiques et économiques importantes qu’entreprendra la Tunisie».
«La liberté d’expression, la liberté de la presse, la liberté de manifestation ainsi que les autres libertés fondamentales sont des valeurs essentielles des États démocratiques, auxquelles l’Union européenne tient tout particulièrement et qui doivent être préservées», a ajouté l’UE dans une déclaration publiée ce mercredi.
