Une start-up états-unienne s’est lancée seule et sans supervision scientifique dans une expérience de géo-ingénierie afin de contrer le réchauffement climatique, rapporte la « MIT Technology Review ».
La startup états-unienne, « Make Sunsets », déclare avoir opéré des lâchers de particules fines dans l’atmosphère depuis le Mexique dans l’espoir de modifier le climat.
Alors que la situation incite à des alternatives d’économie d’énergie comme le captage direct du CO2 dans l’atmosphère, « Make Sunset » veut capitaliser (car il s’agit de monétiser ses services) sur la régulation climatique directement par le rejet d’aérosols dans les hautes couches de l’atmosphère.
La société « Make Sunsets » affirme avoir lancé plusieurs ballons météorologiques pour libérer des particules de soufre dans la stratosphère, censées bloquer la lumière du soleil. Celui-ci est destinée à reproduire le phénomène qui se produit après une grande éruption volcanique, au cours de laquelle de grandes quantités de cendres et de gouttelettes d’acide sulfurique sont éjectées dans l’atmosphère, parfois au point de déclencher un hiver volcanique, comme celui qui a suivi l’éruption du mont Krakatoa, en Indonésie, en 1883. Les quatre années suivantes ont été anormalement froides et des chutes de neige historiques ont été enregistrées dans le monde entier.
Cette méthode de géo-ingénierie a été conceptualisée au début des années 1990. Après l’éruption du volcan Pinatubo en 1991, dont le panache de particules s’est dispersé dans la stratosphère, les scientifiques ont constaté que la température moyenne sur Terre avait baissé. Selon les données disponibles, la baisse constatée au cours de l’année 1992-1993 était de 0,4°C en moyenne sur tout le globe.
Dans l’hémisphère Nord, les températures au sol ont été observées de 0,5 °C à 0,6 °C sous la normale au cours des deux années suivantes. Il faut dire que l’éruption du Pinatubo de 1991 a été l’une des plus grandes éruptions du 20ème siècle. L’éruption soudaine, après 500 ans de sommeil, s’est étalée de juin 1991 au 2 septembre suivant.
Plus de 10 km3 de matière ont été éjectés du volcan au cours de cette période relativement courte, dont une grande partie de particules ou d’aérosols qui ont atteint la stratosphère. Parmi ces matériaux, on sait qu’une grande partie est en fait du dioxyde de soufre. Celui-ci réagit avec l’eau pour former des aérosols d’acide sulfurique – ce sont eux qui ont atteint la stratosphère puis se sont répandus tout autour de la planète dans l’année qui a suivi. Pourtant l’acide sulfurique réfléchit le rayonnement solaire. Cela a réduit la quantité de lumière au-dessus du sol dans l’hémisphère Nord d’environ 10 %. L’effet a duré deux ans après l’éruption, après quoi les particules ont continué à se disperser et à tomber sur la Terre sur une période de trois ans à partir du début de l’éruption.
C’est dans ce contexte que le météorologue Paul Crutzen a proposé, en 1991, de simuler le volcanisme en effectuant un important dégagement volontaire de dioxyde de soufre pour réduire la température moyenne sur Terre et ainsi réduire l’impact des émissions de CO2 tout en freinant le réchauffement. Le problème est que la baisse de température n’a pas été la seule chose qui s’est produite après l’éruption du Pinatubo.
Entre autres choses, on pense que le temps pluvieux en Amérique du Nord, en 1992, et les fortes inondations dans le Midwest en 1993, sont également liés à ces aérosols. Les poussières volcaniques ensemencent en effet les nuages par le phénomène de nucléation pouvant provoquer des hausses de précipitations. Plus grave : le taux de destruction de la couche d’ozone aurait été accélérée par les conséquences de cette éruption.
C’est pourquoi la communauté scientifique reste fortement opposée à l’expérimentation autour de ces techniques aux effets potentiellement imprévisibles. D’autant plus que les dégâts peuvent encore être limités en modifiant nos comportements et d’éventuelles mesures supplémentaires mises en place pour lutter contre le réchauffement climatique, les changements de comportements sont toujours importants, nécessaires.
Cependant, « Make Sunsets » n’est clairement pas intéressé par ces réserves et a décidé de libérer des particules dans la stratosphère depuis le Mexique maintenant. Ils ont utilisé de simples ballons météo pour cela. Heureusement, on vous l’a dit, il ne s’agit que de deux libérations mineures – donc l’impact de celles-ci sera quasi inexistant, voire très local, du fait du nombre de libérations liées aux matériaux.
En fonction des aérosols utilisés, de l’altitude de la dispersion et du vent, il est cependant possible que ces rejets provoquent à terme une contamination plus ou moins localisée. Make Sunsets fonde son modèle financier sur le concept de « crédits de refroidissement », calqué sur les crédits carbone.
Avec les bénéfices, Make Sunsets a l’intention de faire de plus en plus de sorties majeures. Cependant, il reste difficile de savoir si l’initiative Make Sunsets est créditée à ce stade ou ses chances de succès. Dans le même temps, cependant, il semble que l’intention des responsables de Make Sunset était de défier le public et de convaincre davantage de personnes de renoncer à leurs réserves concernant ce type de géo-ingénierie.
Comme le rappelle Janos Pasztor, du « Carnegie Climate Governance Initiative » cité par « MIT Technology Review » : “l’état actuel de nos connaissances ne suffit pas encore… que ce soit pour rejeter, ou pour accepter ce genre de techniques… sans parler de son implémentation à ce stade” qu’il décrit comme une “mauvaise idée” comparable à l’utilisation de CRISPR pour modifier l’ADN d’embryons humains.
D’autres scientifiques craignent que l’initiative de la startup ne créée de la méfiance et ne réduise le financement des recherches sur le sujet – qui pourraient quand même s’avérer utiles, avec davantage de connaissances, un cadre et des garanties…
Sans compter le risque que de parfaits néophytes du climat ne finissent par imiter la startup ailleurs dans le monde, et ne commencent à multiplier les lâchers “sauvages” en suivant l’exemple de Make Sunsets. Dans le détail, les premiers lancers de Make Sunsets sont décrits comme deux lâchers assez rudimentaires, quasi symboliques, sans la moindre autorisation des autorités mexicaines.
L’équipe a simplement lâché les ballons dans l’espoir qu’ils explosent à la bonne hauteur. Cependant, l’approche de Make Sunsets montre également un manque de méthodologie scientifique. La startup n’a pas pu confirmer que l’explosion du ballon a eu lieu à l’altitude prévue. De même, ont ne sait pas où les restes des ballons sont tombés .Aucun appareil ne collecte la moindre donnée, que ce soit dans les ballons ou au sol.
Guillaume Roz