Une petite statue de Bouddha, découverte près d’une plage australienne et attestée être une relique de la dynastie chinoise Ming, peut être la preuve que des navigateurs chinois ont mis le pied sur l’Australie continentale bien avant les Européens. (Avec Courrier International)
Dans l’Australie du 19ème siècle, les colons britanniques ont utilisé le travail des esclaves et se sont tournés vers la Chine, avec laquelle ils avaient entretenu des relations commerciales étroites depuis leur installation sur le continent il y a plusieurs siècles. . Puis la ruée vers l’or a attiré de nombreux Chinois, qui ont débarqué sur le continent par milliers une immigration qui explique en partie pourquoi certains de ses citoyens sont aujourd’hui d’ascendance chinoise.
Mais l’histoire sino-australienne est peut-être encore plus ancienne. Comme l’ont relayé nos confrères de « Courrier International » le 9 mars 2023, la découverte d’une figurine dans une partie reculée de l’Australie Occidentale, un bouddha en bronze de 15 cm de haut daté de la dynastie Ming (1368-1644), posant une nouvelle hypothèse : et si les Chinois avaient débarqué en Australie quelques centaines d’années avant les Européens ?.
En 2018, alors qu’ils préparent un documentaire sur l’exploration française de l’Australie, les deux cinéastes australiens Shayne Thomson et Leon Deschamps arpentent les sols avec leurs détecteurs de métaux, à la recherche de matériel scientifique qui aurait pu être laissé dans la région après l’expédition Nicolas Baudin (1800-1803), raconte le journal britanique « The Guardian ». S’ils ne retrouvent finalement aucune trace de l’exploration de l’époque napoléonienne, ils tombent au bord d’une route de la Baie Shark sur cette figurine de Bouddha de plus d’un kilo, probablement fabriquée en Chine il y a des centaines d’années. Les dénicheurs dépensent alors (selon leurs mots) au moins 50 000 dollars en voyages, recherches en laboratoire et en entretiens avec des scientifiques pour en découvrir les origines.



Dans l’espoir d’en savoir plus, ils font appel à l’émission britannique « Antiques Roadshow », où des experts examinent des objets antiques. Et dans l’épisode, diffusé sur la BBC le dimanche 5 mars 2023, le spécialiste en art asiatique Lee Young est certain : « Mettons d’emblée les choses au clair : il s’agit d’un Ming », a déclaré celui qui est directeur général des commissaires-priseurs Dore & Rees. « Il a été amené lors de cérémonies pour célébrer l’anniversaire de Bouddha, c’est pourquoi il est dépeint comme l’enfant Bouddha », a-t-il continué, décrivant l’objet comme un « trésor mondial » ayant probablement appartenu à « quelqu’un d’un certain standing ». Si l’estimation de prévente qui en a été faite portait la statuette à entre 3.000 à 5.000 livres (3.400 à 5.600 euros environ), l’expert a indiqué que l’emplacement où elle avait été trouvé la rendait « historiquement incroyablement importante », ce pourrait faire tomber le marteau à 100 000 livres (112 000 euros environ) lors d’une vente aux enchères sur le marché libre.
Contacté par The Guardian, le spécialiste des bronzes, Ian MacLeod, membre du musée d’Australie-Occidentale (Western Australian Museum), annonce que son analyse microscopique révèle bien que le bouddha n’est « sans équivoque pas un faux ». Selon lui, l’objet aurait été enterré à l’endroit de sa découverte il y a entre cent et cent-cinquante ans, et aurait été utilisé une longue période avant cela — « on versait de l’eau purifiée ou du thé sur les épaules du bouddha, c’est pourquoi ils sont toujours en bronze, pour ne pas être abîmés », précise notamment Lee Young dans l’émission télévisée.
Les dates mènent ainsi à l’hypothèse suivante : à partir de 1405, sept expéditions d’une centaine de navires, la « Flotte des Trésors », traversent l’Asie du Sud-Est et atteignent même la côté africaine, envoyées par le troisième empereur de la dynastie Ming dans une démonstration de la puissance chinoise. L’une d’entre elles aurait pu atteindre, des centaines d’années avant les premiers explorateurs européens dans les années 1600, l’Australie, laissant la statuette derrière elle. Mais il n’existe aucune preuve documentée de ces évènements, et la plupart des historiens s’accordent pour dire qu’il est peut probable que des bateaux chinois aient visité la région de Gascoyne en Australie-Occidentale durant cette période. Pour Paul Macgregor, historien et conservateur interrogé par le média, le scénario le plus plausible serait que l’objet ait été amené par des pêcheurs ou perliers chinois dans les années 1870.
Si son authenticité est confirmée, le bouddha constituera le plus ancien objet chinois jamais découvert en Australie. Pour le moment, Shayne Thomson et Leon Deschamps n’ont pas trouvé d’endroit où l’exposer, le musée local de Shark Bay n’ayant pas les fonds nécessaires pour le protéger. « Nous ne nous considérons pas comme les propriétaires de l’enfant Bouddha mais plutôt comme ses gardiens, ont déclaré les deux cinéastes dans leur communiqué. Nous espérons que le gouvernement australien travaillera avec la communauté chinoise et les gardiens autochtones locaux pour cofinancer une fouille archéologique sur le site, afin d’aider à enquêter plus avant sur [ses] origines. »
Hélène de branco