Reprise de la navette diplomatique entre le Japon et la Corée du Sud, après un sommet historique

Les dirigeants du Japon et de la Corée du Sud, réunis ce jeudi 16 mars à Tokyo pour tenter de resserrer leurs liens, ont décidé de reprendre leurs visites diplomatiques réciproques. (Avec AFP).

«Nous nous sommes mis d’accord sur la reprise de la navette diplomatique, dans le cadre de laquelle les dirigeants du Japon et de la Corée du Sud, quel que soit le format, effectuent fréquemment des visites» dans l’autre pays, a déclaré Fumio Kishida, premier ministre japonais, en marge d’une rencontre avec le président sud-coréen Yoon Suk-yeol.

La visite de deux jours du président sud-coréen Yoon Suk Yeol marque le plus important sommet entre Tokyo et Séoul depuis 12 ans. Il s’inscrit dans le prolongement du plan de Séoul présenté début mars pour indemniser des Sud-Coréens soumis au travail forcé par le Japon pendant la première moitié du XXe siècle, sans qu’une participation financière directe de Tokyo ne soit prévue.

De nouvelles avancées sur le chemin de la réconciliation ont été annoncées jeudi, avec la décision des deux pays de ressusciter leur «navette diplomatique», c’est-à-dire d’organiser des rencontres régulières de leurs dirigeants. Le Japon va par ailleurs lever ses restrictions à l’export de matériaux pour semi-conducteurs vers la Corée du Sud, qu’il avait instaurées en 2019, et Séoul va retirer sa plainte sur ce dossier devant l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC).

La Corée du Nord a marqué ce sommet à sa façon, en tirant un missile balistique intercontinental (ICBM) qui est tombé en mer du Japon quelques heures avant l’arrivée de Yoon Suk Yeol à Tokyo. Le président sud-coréen, qui pourrait aussi être invité par Fumio Kishida au sommet du G7 en mai à Hiroshima, a érigé le rétablissement des liens avec Tokyo en priorité absolue dès son élection il y a un an.

«Le gouvernement japonais se joindra à nous pour ouvrir un nouveau chapitre des relations entre la Corée et le Japon», avait-il assuré mercredi dans une interview accordée à plusieurs médias dont l’AFP. «Nous devons mettre fin au cercle vicieux de l’hostilité mutuelle et travailler ensemble à la recherche des intérêts communs de nos deux pays», avait martelé Yoon Suk Yeol. Mais le passé pèse lourdement sur leurs relations, marquées par la sombre période de la colonisation japonaise de la péninsule coréenne (1910-1945), et notamment la question dite des «femmes de réconfort» coréennes, ces esclaves sexuelles des soldats nippons durant la Seconde Guerre mondiale.

Une décision de justice sud-coréenne de 2018, ordonnant à certaines entreprises nippones de verser des compensations pour le travail forcé durant l’occupation, avait précipité les rapports bilatéraux dans une nouvelle crise, avec la mise en place de barrières commerciales réciproques et l’arrêt de leur coopération dans plusieurs domaines. Le Japon estime jusqu’à présent que le contentieux historique a été réglé depuis 1965 par la normalisation des relations bilatérales, notamment via un paquet de prêts et d’aide financière accordé par Tokyo à Séoul.

L’arrivée au pouvoir de Yoon Suk Yeol et les inquiétudes grandissantes causées par la politique de Pyongyang et les ambitions régionales croissantes de la Chine ont cependant relancé les espoirs de détente entre les deux démocraties voisines. «Des changements radicaux affectent les relations internationales», note Yuki Asaba de l’université Doshisha, et cela «rend d’autant plus urgent pour les États-Unis, le Japon et la Corée du Sud de se coordonner» et de renforcer leur capacité de dissuasion, selon ce professeur d’études coréennes interrogé par l’AFP.

Yoon Suk Yeol et Fumio Kishida doivent tenir, ce jeudi, une conférence de presse commune. Les deux dirigeants s’étaient pour l’instant seulement rencontrés en marge d’événements internationaux. Ils doivent poursuivre leurs discussions autour d’un dîner. Des médias japonais ont rapporté que Yoon Suk Yeol avait émis le souhait de déguster du «omurice», un plat familial japonais composé d’une omelette sur du riz.

Pour le professeur Park Won-gon, de l’université Ewha de Séoul, les éventuels résultats de ce sommet dépendront «du degré auquel le premier ministre Kishida sera prêt à s’excuser» pour les crimes passés du Japon. Tokyo a dit maintenir ses excuses historiques formulées dans les années 1990 pour les actes commis en temps de guerre, mais beaucoup en Corée du Sud les estiment insuffisantes et critiquent le plan de compensation de Yoon Suk Yeol.

Le rapprochement entre Séoul et Tokyo a cependant été salué sur le plan international, en particulier par Washington, soucieux de voir ses deux plus proches alliés asiatiques se réconcilier. Pour Yuki Asaba, les concessions de Yoon Suk Yeol envers le Japon sont en partie motivées par son désir de se rapprocher de Washington, avec qui il veut une alliance «de nature plus globale, complète et stratégique» dans les domaines économique, sécuritaire ou technologique.

Joseph Kouamé

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