Selon une enquête publiée ce lundi 12 février par la « Conférence de Munich sur la sécurité », les participants expriment une plus grande inquiétude envers les flux migratoires liés au changement climatique plutôt que la menace sécuritaire que représenterait la Russie. (Source : Euractiv).
Les Européens sont de plus en plus préoccupés par « les migrations dues à la guerre et au changement climatique » et par la menace du terrorisme islamique radical, selon une enquête du « Munich Security Index » portant sur 12 000 personnes dans les pays du G7, ainsi qu’au Brésil, en Inde, en Chine et en Afrique du Sud.
L’enquête, qui s’est concentrée sur 32 risques identifiés, a révélé que ces menaces sont désormais considérées comme plus importantes que la menace sécuritaire posée par Moscou, qui occupe cette année la quatrième place du classement général.
Dans l’enquête de l’année dernière, l’offensive russe en Ukraine avait été considérée comme la plus grande menace pour la sécurité mondiale, en particulier dans les pays du G7. Cette année toutefois, seuls les citoyens britanniques et japonais considèrent encore la guerre en Ukraine comme la plus grande menace. En Allemagne, la Russie est reléguée en septième position des préoccupations des citoyens tandis qu’en Italie, elle occupe la douzième place.
Cette enquête intervient alors que l’Ukraine s’efforce d’obtenir le soutien de l’Europe dans sa lutte contre l’offensive russe alors que, de l’autre côté de l’Atlantique, on observe un affaiblissement de l’engagement de Washington en raison de l’opposition persistante des Républicains concernant l’octroi d’une aide supplémentaire à Kiev au Congrès états-unien.
L’Allemagne et la France « manquent à l’appel »
Tout en reconnaissant que la défense européenne a parcouru beaucoup de chemin depuis l’offensive Russe en l’Ukraine, en février 2022, le rapport indique que les Européens sont encore loin d’être capables de faire face à un environnement sécuritaire mondial qui « s’assombrit ». Il identifie « le commandement politique » comme principale raison du fossé en matière de capacités de défense européenne.
L’Allemagne et la France en particulier « manquent à l’appel », a averti le rapport, alors que l’UE, s’efforce de soutenir Kiev et lance des initiatives d’achats conjoints d’armement et de munitions.
« Sous le gouvernement [du chancelier Olaf] Scholz, l’Allemagne a fait face à des critiques récurrentes pour son absence dans les questions de défense de l’UE », peut-on également lire dans le rapport. « Pendant ce temps, la France semble poursuivre des intérêts strictement industriels plutôt que des intérêts européens collectifs. ». « Il incombe à l’Allemagne et à la France de regagner la confiance », indique le rapport, ajoutant que le temps presse pour accélérer la coopération en matière de défense.
Une pensée transactionnelle
Au-delà des menaces spécifiques identifiées, le rapport intitulé « Lose-Lose? » (Perdant-Perdant ?) indique qu’en raison des tensions croissantes et de l’incertitude économique, les avantages de la coopération mondiale sont de moins en moins pris en compte par les acteurs internationaux.
Les sondages réalisés dans le cadre du rapport ont également révélé le pessimisme des pays occidentaux quant aux perspectives économiques et à l’ampleur des risques à venir, en comparaison avec l’opinion des électeurs des BRICs (Brésil, Russie, Inde et Chine). Les zones économiques communes et les structures de sécurité ont donc perdu de leur pertinence au lieu d’en gagner, note le rapport.
Au contraire, les gouvernements sont principalement préoccupés par le fait « qu’ils en profiteront moins que les autres », ce qui signifie que les dirigeants placent le bien-être et la sécurité de leur pays au-dessus du progrès commun ce qui enclenche un dangereux cercle vicieux, met en garde le rapport.
« Du point de vue de la part de l’Humanité qui vit dans la pauvreté ou qui souffre de conflits prolongés, les appels à défendre l’ordre abstrait fondé sur des règles et à assumer les coûts qui en découlent semblent être un non-sens. » Ainsi, l’accent mis par l’Occident sur « l’ordre fondé sur des règles » serait hypocrite et viserait à préserver le statu quo de la domination occidentale, y compris sur les pays du Sud.
Les auteurs du rapport soulignent que la Russie et la Chine « ont habilement colporté le récit selon lequel les pays occidentaux encouragent la division du monde en blocs et, en interprétant régulièrement à leur avantage les “règles de l’ordre international fondé sur des règles”, sont coupables de pratiquer la politique du deux poids, deux mesures ».
« Si les tendances actuelles se poursuivent, les États-Unis et leurs alliés risquent de perdre la partie au tribunal de l’opinion publique mondiale, en étant désignés comme les coupables de l’érosion d’un ordre international coopératif et d’un manque d’efforts pour garantir des résultats plus mutuellement bénéfiques », indique le rapport. Cette « guerre des récits » se déroule en particulier en Afrique, dans la région indopacifique et au Moyen-Orient, précise le document.
Une Chine assertive
Selon l’enquête, la perception du risque d’un conflit militaire dans l’Indopacifique entre la Chine et Taïwan a fortement augmenté. Les inquiétudes concernant une Chine de plus en plus assertive ont connu une forte hausse, en particulier du côté du Japon, suivi de l’Inde, des États-Unis d’Amérique, de l’Allemagne et de la France.
Dans les pays du G7, « de larges segments de la population […] pensent que leur pays sera moins sûr et moins riche dans dix ans ». Les citoyens des pays du G7 s’attendent également à ce que la Chine et les pays du Sud accroissent leur pouvoir et leur influence, Pékin en profitant aux dépens des autres.
Didier Maréchal