Accusée de financer l’abandon d’immigrants dans le Sahara, l’UE reconnaît seulement une « situation difficile »

Une enquête menée par des médias internationaux révèle aujourd’hui, mardi 21 mai, un système de déplacement en masse subi par les immigrants dans le Sahara, le tout financé par des fonds européens.

La Commission européenne a reconnu, ce mardi 21 mai, « une situation difficile » après la publication d’une enquête journalistique selon laquelle des dizaines de milliers d’immigrants ont été arrêtés et abandonnés en plein désert au Maroc, en Tunisie et en Mauritanie, avec le soutien financier de l’UE.

Cette enquête de plusieurs mois a été menée par des médias internationaux dont « Le Monde » (France) et le « Washington Post » (EUA) avec le collectif de journalistes « Lighthouse Reports ».

Elle révèle comment « l’Europe soutient, finance et participe directement à des opérations clandestines menées dans les pays d’Afrique du Nord pour abandonner chaque année des dizaines de milliers de personnes noires dans le désert ou dans des régions reculées afin de les empêcher de venir dans l’UE ».

Tortures contre rançons

l’enquête décrit un « système de déplacement de masse » qui «fonctionne grâce à l’argent, les véhicules, l’équipement, le renseignement et les forces de sécurité fournis par l’UE et les pays européens ». « C’est une situation qui est difficile, qui est mouvante et sur laquelle nous allons continuer à travailler », a déclaré le porte-parole de la Commission européenne, Eric Mamer, interrogé sur le sujet lors du point de presse quotidien.

Selon l’enquête, des réfugiés et immigrants, au Maroc, en Mauritanie et en Tunisie, sont « appréhendés en raison de la couleur de leur peau, emmenés dans des bus et conduits au milieu de nulle part, souvent dans des zones désertes et arides », sans eau ni nourriture. Certains sont emmenés vers des zones frontalières où ils sont « vendus par les autorités à des trafiquants d’êtres humains et à des gangs qui les torturent contre rançon ».

L’UE a conclu des accords avec ces pays, qui prévoient notamment des financements européens pour renforcer leurs capacités à freiner l’immigration vers l’Europe. L’Union Européenne a par ailleurs adopté, récemment, une grande réforme de sa politique d’asile et de migration, afin de durcir les contrôles des arrivées et d’accélérer le renvoi des immigrants déboutés du droit d’asile.

« Lighthouse Reports » indique avoir interviewé plus de 50 immigrants, venus de pays d’Afrique subsaharienne ou d’Afrique de l’Ouest, victimes de ces agissements en Tunisie, Maroc et Mauritanie, et avoir « identifié le caractère systématique et raciste des pratiques ».

L’UE admet une « situation difficile »

Le collectif de journalistes cite deux sources européennes anonymes haut placées reconnaissant qu’il était « impossible » de complètement s’assurer de la façon dont les fonds européens étaient utilisés.

La Commission européenne n’a pas répondu explicitement aux accusations de l’enquête. « Parfois, la situation est difficile dans nos pays partenaires » mais ils « restent des États souverains et contrôlent leurs forces nationales », a commenté une porte-parole, Ana Pisonero. Elle a souligné que l’UE surveillait les programmes pour lesquels elle fournissait des financements, et rappelé l’engagement des pays partenaires à respecter les droits Humains.

La Tunisie -pays avec lequel l’UE a conclu un accord portant sur 255 millions d’euros d’aides – a indiqué avoir intercepté, de janvier à avril 2024, 21 545 migrants tentant de traverser la Méditerranée vers l’Italie à partir de ses côtes. Ce qui représente une hausse de 22,5 % par rapport à la même période l’année précédente.

Le président Kais Saied martèle son refus de voir son pays devenir « un pays de transit ou d’installation » des immigrants d’autres pays d’Afrique. Début mai, l’ONG « Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux » (FTDES) a indiqué que plusieurs centaines d’immigrants originaires d’Afrique subsaharienne avaient été évacués de force de campements installés à Tunis, puis « déportés vers la frontière algérienne».

Joseph Kouamé

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