L’Ethiopie devient le premier pays au monde à interdire l’importation de véhicules essence et diesel

Addis-Abeba a interdit l’importation de voitures à moteur thermique, forçant les conducteurs à adopter des véhicules électriques, alors que le pays ne possède qu’une seule borne de recharge publique sur tout son territoire.

Depuis son passage à l’électrique, Dagim Girma n’a plus à attendre des heures dans les longues files de voitures qui s’accumulent dans les rues d’Addis-Abeba, signalant généralement les stations-service, souvent touchées par des pénuries de gasoil. « Je gagne du temps et je n’ai plus à payer pour du carburant », explique ce trentenaire, qui a suivi la directive du gouvernement éthiopien en achetant une voiture électrique début 2024.

En janvier, le ministère des Transports et de la Logistique a pris une décision radicale en interdisant l’importation de véhicules à essence et diesel, forçant ainsi les conducteurs éthiopiens à passer à l’électrique. Cette mesure, inédite dans le monde, étonne, surtout dans un pays où un habitant sur deux n’a pas accès à l’électricité. Cependant, derrière cette réglementation stricte, « il s’agit avant tout d’une stratégie économique», précise Yizengaw Yitayih, expert au ministère. « Le décret vise principalement à rationaliser nos dépenses en devises étrangères », ajoute-t-il.

Ce pays de 120 millions d’habitants cherche à réduire sa dépendance aux importations de carburant, qui représentaient plus de 6 milliards d’euros en 2023, selon les données officielles. « En obligeant les Éthiopiens à adopter les voitures électriques, le gouvernement atteint deux objectifs : réduire les importations de carburant tout en mettant en place une politique environnementale progressiste », analyse Samson Berhane, un expert indépendant basé à Addis-Abeba.

Depuis 2021, le pays est confronté à une inflation alarmante. Plusieurs facteurs en sont à l’origine : la baisse de la production agricole causée par des conditions climatiques défavorables, notamment la sécheresse, de nombreux conflits internes, ainsi qu’une pénurie de devises étrangères. L’Éthiopie est même en situation de défaut de paiement. À la fin de 2023, Addis-Abeba n’a pas été en mesure de régler 33 millions de dollars d’intérêts. Après la Zambie et le Ghana, elle devient le troisième pays africain à faire défaut sur sa dette.

En pratique, le pays est désormais incapable d’importer du pétrole. La décision du gouvernement de passer entièrement à l’électrique est probablement largement motivée par cette contrainte. Toutefois, il est important de noter que l’Éthiopie investit massivement dans son infrastructure énergétique depuis 20 ans. En effet, 97 % de son électricité provient de sources renouvelables, et le pays s’apprête à inaugurer la plus grande centrale hydroélectrique d’Afrique. Il existe donc une stratégie solide en matière d’électrification.

Joseph Kouamé

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