La situation à Goma, dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC), est décrite comme “dramatique” après une semaine d’intenses affrontements opposant l’armée congolaise et les rebelles du M23 soutenus par le Rwanda.
Goma sous contrôle du M23 : des conséquences tragiques
Depuis dimanche 26 janvier 2025, les « rebelles » du M23, renforcés par des soldats rwandais, ont pris le contrôle de vastes zones de la ville de Goma, capitale de la province du Nord-Kivu. Ces affrontements ont causé de lourdes pertes humaines, avec des cadavres visibles dans les rues, et laissé la ville en état de paralysie totale : eau et électricité coupées, approvisionnement en nourriture interrompu, et infrastructures détruites.
Selon Safari Nganizi Jacques, député national du Nord-Kivu, “des centaines de milliers d’habitants sont livrés à eux-mêmes dans une ville qui fait face à une grave crise humanitaire.” Plus de 500 000 personnes ont été déplacées depuis janvier, exacerbant une situation déjà critique.
Menace sur Bukavu et mobilisation populaire
Après la prise de Goma, les rebelles progressent rapidement vers Bukavu, la capitale provinciale du Sud-Kivu, située à une centaine de kilomètres. À Bukavu, les autorités locales ont lancé une campagne de recrutement de volontaires, appelés “wazalendo” (patriotes), pour soutenir les forces armées congolaises.
Des centaines de jeunes, souvent mal équipés et inexpérimentés, se sont enrôlés. “Nous allons nous battre jusqu’à ce que les Rwandais rentrent chez eux”, déclare Amani Wangwabo, un volontaire. Cependant, ces milices populaires sont souvent accusées de pillages et d’exactions, soulignant les défis d’une mobilisation précipitée.
Une réponse internationale limitée
La communauté internationale, notamment l’ONU, l’Union européenne et plusieurs grandes puissances, a condamné les actions du Rwanda et appelé à la fin des hostilités. Mais ces appels peinent à se traduire par des actions concrètes, provoquant l’indignation du président Félix Tshisekedi. Ce dernier a dénoncé le “silence coupable” de la communauté internationale face à l’agression rwandaise.
La Belgique a proposé des sanctions contre le Rwanda, tandis que le Royaume-Uni a menacé de revoir son aide au pays. La France a dépêché son ministre des Affaires étrangères à Kigali pour rencontrer le président Paul Kagame.
Un sommet d’urgence à Harare pour la paix dans la région
Face à l’escalade du conflit, un sommet extraordinaire de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) se tient à Harare, au Zimbabwe. Les dirigeants de la région doivent décider de l’avenir de la force multinationale SAMIDRC, déployée dans l’est de la RDC depuis 2023.
Ce sommet intervient dans un contexte de tensions croissantes entre le Rwanda et d’autres pays de la région, notamment l’Afrique du Sud. Paul Kagame a vivement critiqué la présence de la SADC en RDC, aggravant une passe d’armes diplomatique avec Pretoria.
Le risque de régionalisation du conflit
Le conflit dans l’est de la RDC, déjà marqué par l’implication de multiples groupes armés, pourrait dégénérer en une crise régionale. Des milliers de soldats burundais et ougandais sont également déployés dans la région, compliquant davantage une situation déjà explosive.
Le diplomate africain interrogé par Reuters met en garde : “Le risque d’une confrontation directe entre les armées rwandaise, congolaise et burundaise est réel.”
Un avenir incertain pour l’Est de la RD Congo
Alors que la progression du M23 semble ralentir grâce à la résistance conjointe des forces congolaises et burundaises, la situation reste volatile. Les habitants de Bukavu, entre psychose et résignation, se préparent au pire.
La RDC, riche en ressources naturelles, est une fois de plus plongée dans une crise complexe où les enjeux économiques, politiques et militaires s’entremêlent, rendant les perspectives de paix incertaines. Les décisions prises à Harare pourraient être décisives pour l’avenir de la région des Grands Lacs.
Joseph Kouamé