Au début du mois, un homme a été condamné à cinq ans de prison avec sursis et une amende de 52 000 FCFA (environ 80€), pour le meurtre de sa femme. Plusieurs ONG locales plaident en faveur d’une loi qui protège davantage les Camerounaises.
Le 1er avril, le Tribunal de Grande instance de Bonanjo, à Douala, au Cameroun, a rendu un verdict qui a suscité l’indignation d’une partie de la population. Reconnu coupable de «coups mortels» ayant entraîné la mort de sa conjointe Diane Yangwo, en novembre 2023, Éric Bekobe n’a été condamné qu’à cinq ans de prison avec sursis et 52 000 CFA d’amende(environ 80€).
La vie d’une femme au Cameroun coûterait -t-elle cette somme ? C’est la question que les féministes camerounaises se posent montant au créneau pour dénoncer un verdict «clément» pour un auteur de «meurtre sur conjointe».
C’est «un très mauvais signal» qui est donné, selon la sociologue Lydie Bibi Meghuiope de l’Association de lutte contre les violences faites aux femmes(AVLF), interrogée par un média international. « C’est comme si l’on donnait l’autorisation d’aller commettre d’autres meurtres pour d’autres femmes. Un sursis pour un meurtre, on se dit mais qu’est-ce qu’il faut d’autre pour qu’il soit sanctionné? (…) On se dit : mais jusqu’à quel point on nous rend vulnérables? À la merci de la décision d’un individu de nous ôter la vie? C’est vraiment terriblement terrifiant pour nous Ies femmes».
Une décision d’autant plus « difficile» à comprendre pour Ngono Ekotto, co-fondatrice d’une association qui lutte pour la défense des droits des femmes à Yaoundé, capitale du Cameroun. «Nous sommes catastrophées, indignées par une décision aussi inique, non pas parce que c’est le fait d’une femme juge, mais uniquement parce que c’est le fait d’un juge. Au Cameroun, jusqu’à preuve du contraire, les jugements sont rendus au nom du peuple».
Depuis lors, le ministère public et l’avocate de la famille ont fait appel de la décision. Maître Charlotte Tchakounte, avocate de la famille ne décolère pas surtout que « les violences ont eu lieu devant témoins » argue-t-elle. « La façon dont il lui a administré les coups, ce n’était pas pour qu’elle se relève(…) et il l’a trainée au sol comme un sac de je-ne-sais-quoi pour aller la jeter dans sa malle arrière.(…) C’était prémédité. C’est à tort qu’on a retenu la qualification de coups mortels» fustige l’avocate.
Malgré la colère générale, des «arguments juridiques » demeurent, selon Maître Assira Engoute, avocate, qui a présenté le cadre légal de cette décision. La magistrate, Dame Medou a suivi le code pénal qui prévoit qu’un «plaider coupable » réduit automatiquement la peine maximale encourue. Même pour les crimes graves, la sanction ne dépasse pas «10 ans» a-t-elle indiqué. Des explications juridiques qui peinent à convaincre encore l’opinion.
Selon une étude des Nations-Unies publiée en novembre dernier, en Afrique en moyenne, cinq femmes sur 200 000 sont tuées par un proche chaque année. Au Cameroun, selon un rapport de UNFPA(Fonds des Nations Unies pour la Population), le nombre de «meurtres sur conjointes» reste en progression. Les acteurs de la société civile ont compté « 65 » cas au cours de l’année 2024 et déjà « 10 » depuis janvier 2025.