Succession du pape François : le cardinal Becciu, condamné pour fraude, renonce au conclave

Alors que l’Église catholique se prépare à élire un nouveau souverain pontife après le décès du pape François le 21 avril 2025, une polémique embarrassante secoue le Vatican. Le cardinal italien Angelo Becciu, condamné en 2023 pour fraude financière, a annoncé ce mardi 29 avril qu’il renonçait à participer au conclave prévu le 7 mai dans la chapelle Sixtine. Une décision qu’il dit avoir prise « pour obéir à la volonté du pape François », décédé quelques jours plus tôt.

« Ayant à cœur le bien de l’Église et dans le respect de la volonté du Saint-Père, j’ai décidé de ne pas participer au conclave, tout en restant convaincu de mon innocence », a déclaré Mgr Becciu dans un communiqué transmis à l’AFP par son avocat.

Une figure puissante déchue

Âgé de 76 ans, Angelo Becciu fut l’un des hommes les plus puissants de la Curie romaine. Proche du pape François, il a longtemps occupé le poste stratégique de substitut à la Secrétairerie d’État — véritable bras droit administratif du pontife — avant d’être nommé cardinal en 2018. Mais dès 2020, il est écarté de ses fonctions cardinalices actives par le pape lui-même, sur fond d’enquête financière.

En 2023, après deux années de procédure, il est reconnu coupable en première instance par la justice vaticane et condamné à cinq ans et demi de prison. Il reste à ce jour le plus haut responsable du Saint-Siège jamais jugé par le tribunal pénal du Vatican.

Un scandale aux ramifications internationales

L’affaire Becciu a mis en lumière les dérives financières au cœur du Saint-Siège. Au centre de l’enquête : l’achat controversé d’un immeuble de luxe à Londres, financé en partie par le Denier de Saint-Pierre, une collecte annuelle censée soutenir les œuvres de charité du pape. Une opération opaque qui a coûté des centaines de millions d’euros à l’Église et gravement entaché sa réputation.

Le cardinal est aussi accusé d’avoir transféré environ 100 000 euros à une coopérative dirigée par son frère en Sardaigne, sans justification officielle. Pire encore, selon l’acte d’accusation, il aurait versé d’importantes sommes à Cecilia Marogna, une femme proche de son entourage, prétendument chargée de missions de médiation et de libération d’otages. L’enquête a révélé qu’environ 600 000 euros avaient été dépensés par cette dernière dans des boutiques de luxe à Milan.

Le conclave sous tension

Initialement, Mgr Becciu affirmait qu’il comptait bien voter au conclave, malgré sa condamnation et les critiques. Son insistance à y participer, relayée par les médias italiens, a ravivé la controverse dans les milieux catholiques et diplomatiques. Selon plusieurs sources, le pape François, avant sa mort, lui aurait explicitement demandé de se retirer du scrutin. La pression publique et ecclésiale l’a finalement conduit à céder.

Il conserve toutefois son titre de cardinal et participe aux réunions préparatoires quotidiennes à huis clos, réunissant l’ensemble des cardinaux en vue de l’élection pontificale. Son retrait du vote marque cependant un signal fort : l’Église tente, dans la lignée des réformes entreprises par François, de rompre avec les scandales qui ont entaché sa gouvernance.

Un héritage fragilisé

Le retrait du cardinal Becciu du conclave ne met pas fin à l’affaire. Il a fait appel de sa condamnation et continue de clamer son innocence. Mais son éviction de la scène électorale révèle les tensions internes persistantes au Vatican entre réformateurs et conservateurs, à l’heure où l’Église s’apprête à choisir un nouveau chef spirituel.

Ce conclave de 2025 s’annonce donc sous haute surveillance, dans un climat de défiance et d’attentes. Le successeur du pape François héritera non seulement d’un monde catholique fracturé, mais aussi d’une institution ébranlée par des scandales à répétition.

Joseph Kouamé

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