Dans la nuit du 2 au 3 juin, un convoi humanitaire de l’ONU a été violemment attaqué à Kuma, dans le nord du Darfour, alors qu’il transportait des vivres et des médicaments vers la ville assiégée d’El-Facher. Cinq personnes ont été tuées. L’attaque, survenue après deux semaines de blocage en zone de guerre, a été fermement condamnée par l’Organisation des Nations unies, qui dénonce une nouvelle violation du droit humanitaire.
Composé de camions du Programme alimentaire mondial (PAM) et de l’UNICEF, le convoi était resté bloqué plus de 15 jours en zone sous contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), milice dirigée par Mohamed Hamdane Daglo, dans l’attente d’une autorisation pour franchir les lignes de front. L’objectif était clair : apporter une aide d’urgence à El-Facher, ville encerclée et affamée par les combats depuis mai.
Une attaque au cœur de la crise humanitaire
Les circonstances précises de l’attaque restent floues. Selon l’ONU, les auteurs ne sont pas encore identifiés, chaque camp rejetant la responsabilité sur l’autre. Les FSR accusent l’armée du général Abdel Fattah al-Burhane d’avoir « délibérément attaqué » le convoi. En retour, le gouvernement soudanais affirme que ce sont les FSR qui ont ciblé le convoi « de manière agressive à l’aide de drones ».
L’incident survient dans un climat déjà explosif : quelques jours plus tôt, les entrepôts du PAM à El-Facher étaient bombardés, et l’hôpital international d’El-Obeid frappé par un drone, tuant au moins six soignants. Dans ce chaos, les ONG peinent à acheminer l’aide, malgré des besoins criants.
El-Facher, ville en état de siège
Capitale provinciale du Darfour-Nord, El-Facher est aujourd’hui coupée du monde. Les forces paramilitaires des FSR y mènent des offensives intenses contre l’armée régulière, ciblant infrastructures, hôpitaux et quartiers civils. L’eau devient rare, les marchés sont vides, et les hôpitaux débordent de blessés. Le Secrétaire général adjoint de l’ONU aux Affaires humanitaires, Tom Fletcher, parle d’une « urgence humanitaire d’une ampleur effroyable ».
Civils en péril, aide entravée
Depuis avril 2023, le Soudan est plongé dans une guerre fratricide entre les forces armées régulières et les FSR, issues de l’ancien appareil sécuritaire du dictateur Omar el-Béchir. Les deux camps sont accusés de crimes de guerre, frappant indistinctement civils et infrastructures médicales, tout en bloquant l’aide humanitaire.
À cela s’ajoute un jeu trouble d’ingérences étrangères : l’Égypte est accusée par les FSR de soutenir militairement l’armée régulière, tandis que les Émirats arabes unis sont soupçonnés d’armer les paramilitaires. Les deux pays démentent toute implication.
Exode massif : une crise mondiale du déplacement
La guerre a provoqué l’une des pires crises de réfugiés au monde : plus de 4 millions de personnes ont fui le Soudan. Le Tchad, voisin pauvre et instable, accueille désormais 1,2 million de réfugiés soudanais, dont 68 000 en seulement quelques semaines. Le HCR alerte sur un rythme alarmant : 1 400 nouveaux réfugiés par jour.
« Il s’agit d’un jalon dévastateur dans la plus grave crise de déplacement de population au monde », déclare Eujin Byun, porte-parole du HCR.
Une neutralité humanitaire bafouée
L’attaque du convoi à Kuma est un symbole tragique d’un conflit où même les principes fondamentaux de neutralité humanitaire ne sont plus respectés. Alors que la population meurt de faim et de blessures, les convois humanitaires deviennent eux-mêmes des cibles.
Pendant que les puissances régionales s’accusent et que la communauté internationale reste spectatrice, les humanitaires tombent, les civils fuient, et le pays s’enfonce dans le chaos.